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Saint Óscar Romero
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Saint Óscar Romero

Un article rédigé par Jean-Luc Moens - 1RCF Belgique, le 23 mars 2023  -  Modifié le 23 mars 2023

Voix des sans voix, l'archevêque de San Salvador est mort assassiné en pleine messe.

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Je vous ai parlé du saint évêque Toribio de Mongrevejo, patron de tous les évêques d’Amérique latine. Aujourd’hui, je vais vous parler d’un de ses dignes successeurs, un évêque martyr, récemment canonisé, Mgr Óscar Romero qu’on a appelé « la voix des sans voix ».

 

Voici son histoire

 

Óscar Arnulfo Romero y Galdámez est né le 15 août 1917 à Ciudad Barrios, au Salvador, un petit pays d’Amérique centrale dont 13 familles détiennent 40% des terres. À l’âge de douze ans, il devient apprenti menuisier. À 14 ans, malgré l’opposition de son père, il rentre au Petit Séminaire de San Miguel. Il intègre ensuite le séminaire national en 1937. Il est envoyé à Rome pour achever ses études et faire un doctorat en théologie et c’est là qu’il est ordonné prêtre le 4 avril 1942.


Entre 1944 et 1967, le père Óscar Romero assume différents ministères dans son diocèse d’origine, San Miguel : chancelier et secrétaire du diocèse, vicaire général, curé de paroisse, directeur d’associations et mouvements apostoliques et recteur de séminaire. Il fonde le groupe des alcooliques anonymes, milite pour la paix avec le groupe « Vierge de la paix », participe à la construction de la cathédrale de San Miguel.  Il est finalement nommé recteur du séminaire inter-diocésain de San Salvador. San Salvador (qui veut dire Saint Sauveur en français) est la capitale du Salvador.

 

En 1967, Óscar Romero est nommé secrétaire du SEDAC, la Conférence épiscopale du Salvador. Il devient également secrétaire du Secrétariat épiscopal d’Amérique centrale. Peu après, il assume la direction du journal Orientación qui est un journal réputé assez conservateur, représentant la frange plutôt traditionaliste de l'Église. On peut donc dire qu’Óscar Romero apparaît comme un conservateur, pas toujours ouvert aux changements apportés par Vatican II.


Le père Óscar Romero est nommé évêque auxiliaire de San Salvador le 25 avril 1970

 

Il est plutôt réputé conservateur. Quand Paul VI le nomme archevêque de San Salvador en février 1977, la partie dite progressiste du clergé salvadorien est inquiète. Le nouvel évêque va-t-il s’engager résolument en faveur des pauvres et des sans voix ?


Un événement va faire basculer la situation, de l’aveu même de Mgr Romero


Le 12 mars 1977, le père jésuite Rutilio Grande, grand défenseur des pauvres, est assassiné avec deux de ses compagnons par « un escadron de la mort », un bras armé de la junte au pouvoir. Ce genre d’assassinats est monnaie courante à l’époque. Mais cette fois, le prêtre assassiné est un ami personnel de longue date du nouvel archevêque de San Salvador. Mgr Romero est bouleversé. Il annonce aussitôt qu’il n’assistera plus à aucun acte officiel tant que justice ne sera pas faite. Et pourtant aucune enquête n’est menée et les assassins jouissent de l’impunité. L’attitude de Mgr Romero change alors complètement. Cet assassinat lui a comme ouvert les yeux. Il raconte plus tard, je cite : « Quand je vis Rutilio, étendu mort, j'ai pensé que s'ils l'avaient tué pour ce qu'il avait réalisé, alors moi aussi je devais avancer sur le même chemin. » Et ce chemin est clairement celui du martyre… 


À partir de ce moment, Mgr Romero devient le défenseur inconditionnel des droits de l’homme et des pauvres. Il affirme :

La mission de l’Église est de s’identifier aux pauvres, c’est ainsi que l’Église trouve son salut.

 

(11 novembre 1977)

Il refuse l'injustice sociale, la torture et les assassinats. Il dénonce le péché. Il appelle au dialogue, à la conversion et à la paix. Il dénonce les violations des droits de l’homme, la corruption et l’impunité pour les auteurs de violence. Il s’occupe comme un père des prêtres et des responsables de pastorale qui subissent les persécutions, l’emprisonnement et sont parfois assassinés. Il les défend au péril de sa vie.


Il utilise la radio pour dénoncer les injustices en tout genre et les violences commises par le gouvernement. Il agit en véritable pasteur au nom du Christ qu’il veut servir. Il explique : « Je ne me suis jamais posé en chef d’un peuple, car il n’y a qu’un chef : Jésus-Christ. Jésus est la source de l’espérance. » Il devient rapidement populaire. Il est l’évêque du peuple, la voix des « sans voix ». Sa notoriété grandit aussi en dehors de son pays. 


En 1979, une junte prend le pouvoir à Salvador. Les violations des droits de l’homme et les violences sont monnaie courante. Mgr Romero ne reste pas silencieux. Il ose dénoncer l'aide militaire que les États-Unis apportent au nouveau régime. En février 1980, il écrit au président Jimmy Carter. Il y affirme clairement : « Une aide militaire accrue de la part des États-Unis aurait sans doute pour effet d'accentuer l'injustice et la répression infligée à des hommes qui s'organisent pour défendre les droits humains les plus fondamentaux. » Cette lettre restera sans effet et l’aide américaine au régime en place continuera, probablement dans la crainte que le Salvador ne devienne un autre Nicaragua.

Le 23 mars, cinquième dimanche de Carême, Mgr Romero prêche dans la Basilique du Sacré-Cœur de San Salvador. Il ose s’adresser aux soldats : 
« Je voudrais faire appel, de manière spéciale, aux hommes de l’armée et plus concrètement à ceux des bases de la Garde Nationale, de la Police et des casernes.
Frères, vous faites partie de notre peuple ; vous tuez vos propres frères paysans et devant un ordre de tuer que vous donne un autre homme, doit prévaloir la loi de Dieu qui dit : Tu ne tueras pas… Aucun soldat n’est obligé d’obéir à un ordre qui est contraire à la loi de Dieu… Une loi immorale, personne ne doit l’accomplir…
Il est grand temps que vous récupériez votre conscience et que vous obéissiez à votre conscience plutôt qu’aux ordres du péché… L’Église, défenderesse des droits de Dieu, de la loi de Dieu, de la dignité humaine, de la personne, ne peut demeurer silencieuse devant autant d’abominations. Nous voulons que le gouvernement prenne au sérieux que les réformes ne servent à rien si elles sont accompagnées d’autant de sang… Au nom de Dieu et au nom de ce peuple souffrant dont les lamentations de plus en plus fortes s’élèvent à chaque jour jusqu’aux cieux, je vous supplie, je vous en prie, je vous l’ordonne au nom de Dieu : Cessez la Répression…! »


Cet appel est probablement la goutte qui fait déborder le vase. Le lendemain, 24 mars, Mgr Romero est abattu d’une balle en plein cœur pendant qu’il célèbre la messe dans la chapelle de l’hôpital de la Divine-Providence. Mgr Romero meurt en quelques minutes. Ses assassins n’ont jamais été poursuivis. Le juge chargé de l’enquête a dû quitter précipitamment le pays quand il s’est approché de la vérité.

On sait aujourd’hui que le planificateur de l’assassinat est le major Roberto d’Aubuisson.

Cela a été confirmé par l’ex-ambassadeur des États-Unis au Salvador, Mr Robert White, devant le congrès américain en 1984. Roberto d’Aubuisson n’a jamais été poursuivi. Il a même été nommé quelques années plus tard président du parlement du Salvador.


Immédiatement, la réputation de sainteté et de martyre de Mgr Romero se répand au Salvador, en Amérique latine et dans le monde entier. Les pauvres en particulier le considèrent immédiatement comme un saint. Par contre, le procès de béatification rencontre des difficultés. Clairement, on a peur à Rome de la dimension politique de la mort. Dans beaucoup de martyres modernes, il y a une forte dimension politique. Il faut bien déterminer si les personnes ont été tuées par haine de la foi ou simplement pour des raisons d’oppositions politiques. Finalement, Mgr Romero est canonisé par le pape François le 14 octobre 2018.


Chose étonnante, Mgr Romero a été reconnu comme un saint martyr par l’Église anglicane et l’Église luthérienne avant l’Église catholique ! Je trouve cela très beau. C’est un des aspects de ce que saint Jean-Paul II a appelé l’œcuménisme des martyrs dans son encyclique Ut Unum Sint.
 

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