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Saint Irénée de Lyon

Un article rédigé par Jean-Luc Moens - 1RCF Belgique, le 28 juin 2022  -  Modifié le 28 juin 2022

Récemment déclaré docteur de l'unité par le pape François, Irénée est le premier théologien systématique de l'histoire de l'Eglise.

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Je voudrais vous présenter un tout jeune docteur de l’Église puisqu’il vient d’être déclaré tel par le pape François le 21 janvier 2022, en pleine semaine pour l’unité des chrétiens avec le titre de Docteur de l’unité. C’est le saint évêque de Lyon, Irénée, fêté 28 juin dans l’Église catholique et le 23 août dans l’Église orthodoxe. Il est très souvent cité. En particulier, tout le monde connaît deux citations célèbres d’Irénée :


Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu.
La gloire de Dieu c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme c'est la vision de Dieu

(A.H IV 20, 7)

 

 

Histoire

 

Irénée est né entre 130 et 140 probablement à Smyrne (actuellement en Turquie). Le prénom Irénée provient du grec eirênê qui signifie pacifique. Nous allons voir qu’il porte bien son nom comme on dit, car il a été un vrai homme de paix et d’unité, un pont entre les Églises d’Orient et d’Occident. Il a connu saint Polycarpe, disciple de saint Jean, et qui a été martyrisé dans sa vieillesse. C’est pourquoi Irénée s’inscrit aussi dans la tradition johannique. Il est arrivé en Gaule vers 175 à Lyon. 
En 177, le vieil évêque Pothin âgé de 90 ans l’envoie en ambassade à Rome auprès du pape  Éleuthère. Il est porteur de lettres présentant la situation de l’Église de Lyon confrontée à la persécution de l’empereur Marc-Aurèle et à la montée de l’hérésie montaniste. Pendant son voyage, l’évêque Pothin est martyrisé avec un groupe de 47 compagnons, dont la célèbre sainte Blandine. Le voyage d’Irénée lui fait donc échapper au martyre. À son retour de Rome, il succède à saint Pothin. Il est donc le deuxième évêque de Lyon. Il le sera pendant 25 ans jusqu’à sa mort comme martyr en 202.
Tout en étant très radical sur tout ce qui concerne la foi elle-même comme nous allons le voir, il est aussi partisan d’une liberté des Églises sur ce qui n’engage pas la foi. Ainsi, par exemple, lorsque les Églises d’Orient s’opposent à Rome sur la date de Pâques qu’elles fêtent à une semaine d’intervalle, Irénée intervient auprès du pape Victor qui s’apprête à lancer une excommunication. Il obtient qu’elles soient laissées libres de vivre leurs traditions propres, ce qui se fait encore aujourd’hui.
L’œuvre majeure d’Irénée est son Adversus hæreses (Contre les hérésies) connu aussi sous le titre Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur. Un autre de ses livres nous est parvenu : c’est la Démonstration de la prédication apostolique. Tous ses autres écrits ont disparu.
Irénée est le premier théologien et évêque occidental à élaborer une œuvre de théologie systématique. Il ne se contente pas de réfuter les hérésies, il construit un exposé systématique des vérités de la foi. Il le fait en tant que pasteur pour éduquer son troupeau et le protéger de l’erreur. En même temps, c’est un redoutable pourfendeur des hérésies de son époque, celles de Valentin, Marcion, et Marc le Mage, et la pseudo-gnose qu’il considère comme une perversion de la foi chrétienne.
 

Pourquoi appelle-t-on Irénée docteur de l’unité ?


Parce que sa théologie est unitive, elle utilise le « et » plutôt que le « ou ». Selon lui, en effet, la gnose divise ce qui est uni et multiplie ce qui est simple. Remarquons que c’est aussi souvent le cas des hérésies : l’arianisme dont on a déjà parlé dans cette émission et qui est postérieur à Irénée oppose la divinité du Christ et son humanité en refusant que Jésus soit vraiment Dieu ; le docétisme contre lequel Irénée a lutté refuse que Jésus soit vraiment homme… et on pourrait multiplier les exemples.
Irénée développe donc une théologie de l’unité :

  • Unité de Dieu, créateur et Père ;
  • Unité du Christ, vrai Dieu et vrai homme ;
  • Unité de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament ;
  • Unité de l’histoire du salut ;
  • Unité des 4 Évangiles ;
  • Unité de l’homme corps et âme ;
  • Unité de la tradition apostolique dans la catholicité de l’Église ;
  • Unité et cohérence du tout : si on rompt l’unité d’un des points que je viens de citer, on rompt l’unité de l’ensemble de la construction.

 

Irénée affirme avec force que le Fils de Dieu s’est fait chair.

Dieu s’est fait homme. Nous sommes peut-être trop habitués à cette affirmation aujourd’hui. C’est un mystère énorme. On comprend que, dans l’antiquité, le fait que Dieu sa fasse homme ait posé tant de problèmes.


Irénée défend aussi l’unité de l’homme, corps, âme et esprit.

Pour les gnostiques, l’homme matériel, l’homme charnel est appelé à disparaître. Il n’est pas important. Pour Irénée, notre chair s’est nous-même.  C’est dans ce contexte qu’il affirme : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ». Pour lui, si Dieu s’est fait chair, alors notre chair est importante. Elle est tellement importante qu’elle est appelée à ressusciter dans le Christ. Elle est capable de recevoir l’Esprit qui ressuscite la chair.
Irénée insiste sur le fait que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il y a une phrase d’Irénée que j’aime beaucoup :

En modelant l’homme, le Père avait en vue son Fils incarné et l’homme est donc jusque dans sa chair l’image du Fils de Dieu.

Adversus haereses, V, 16, 2

C‘est un peu comme si Dieu avait depuis toujours devant lui l’image du corps de chair de son Fils unique et qu’il a créé l’homme à l’image du corps de son Fils. Nous sommes à l’image de Dieu parce que nous sommes à l’image du Fils. Je trouve cela extraordinaire !
 

Irénée proclame l’unité catholique de l’Église comme une unité « symphonique » des peuples et des langues qui proclament une seule foi.

C’est le fait de proclamer la même et unique foi d’une voix unanime qui donne à l’Église son unité.

 


Avant de proclamer Irénée docteur de l’Église, une enquête a été menée auprès de différentes instances ecclésiales pour vérifier l’attente du peuple de Dieu sur ce doctorat. Il est intéressant de noter qu’aux côtés des diocèses catholiques et des Conférences épiscopales qui se sont prononcé en faveur de ce « doctorat », apparaît aussi la Fédération protestante de France. Oui, saint Irénée est vraiment docteur de l’unité.

Il est mort en 202 ou 203, probablement martyr, au temps de la persécution de l’empereur romain Septime Sévère.
 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
A l'école des Saints

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