Que deviennent les prêtres âgés ?

Un article rédigé par Aurore Ployer - RCF, le 28 novembre 2022 - Modifié le 28 novembre 2022

En France, sur les 10 000 prêtres diocésains en exercice, 3 000 ont au-delà de 75 ans. S'ils se considèrent toute leur vie au service des autres, beaucoup ont du mal à prendre soin d’eux. Entre solitude et surmenage, l’accompagnement des prêtres vers la vieillesse et la perte d’autonomie est encore en construction.

En France, sur les 10.000 prêtres diocésains en exercice, 3.000 ont plus de 75 ans ©Gabriella Clare Marino on UnsplashEn France, sur les 10.000 prêtres diocésains en exercice, 3.000 ont plus de 75 ans ©Gabriella Clare Marino on Unsplash

Préparer le vieillissement des prêtres

 

Les prêtres sont théoriquement actifs jusqu’à leur mort, comme le souligne le Père Jean-Marie Onfray, ancien responsable du service Santé et Justice au sein du service national Famille et société de la CEF. Préparer leur vieillissement est alors un enjeu d’autant plus important qu’ils bénéficient rarement d’un réseau familial pour prendre soin d’eux. Des assistantes sociales dédiées y travaillent, à l’image de Marie-Claude Brandenbusch qui exerce en Seine-Saint-Denis : "J’aide les prêtres aînés à améliorer leur bien-être physique, psychologique et social. Je les aide dans leur vie quotidienne mais j’interviens surtout pour les guider dans une grande décision. J’assure leur consentement quand ils doivent par exemple rentrer dans un EHPAD." 30 assistantes sociales interviennent aujourd’hui dans 85 diocèses. 

 

Des organismes parviennent à préparer le vieillissement des prêtres, comme la Fondation nationale pour le clergé. Le trésorier de la structure, Gérard Vauléon, détaille plusieurs initiatives : "On peut aménager un domicile adapté en installant un monte escalier ou en payant une aide médicalisée. On finance l’entrée dans des Pôles d'Activités et de Soins Adaptés au sein des EHPAD s’ils présentent des troubles psychiques. Nous réglons également les cotisations sociales des prêtres avant 65 ans."

 

Des aînés qui ne prennent pas assez soin d’eux

 

Le Père Jean-Marie Onfray insiste sur le conflit intérieur des religieux. Ils ont, par leur solitude souhaitée, une grande perception de leur individualité tout en ayant des réticences à se préoccuper de leur santé : "Ils communiquent très peu sur leurs difficultés, ils ont du mal à dire qu’ils sont fragilisés." Un constat que Marie-Claude Brandenbusch ne peut qu’appuyer : "Ils ont, toute leur vie, l’image d’un modèle de troupeau. Un prêtre m’a récemment confié qu’il n’avait que des devoirs et pas de droits."

 

Contrairement aux anciennes générations, les jeunes prêtres ont le souci d’un meilleur équilibre de vie. "Les anciens ne font pas suffisamment attention à la fatigue qui vient. Certains finissent leur vie cassés parce qu’ils n’ont pas assez veiller à leur équilibre de vie, certains sont même tombés dans des addictions à l’alcool ou au tabac", regrette Jean-Marie Onfray. Anticiper le vieillissement avant la perte d’autonomie du prêtre est alors central. La Fondation Nationale pour le Clergé organise par exemple des "parcours vitalités". Pendant deux semaines, ils se retrouvent en petit groupe et apprennent à écouter leur corps et prendre soin d’eux.

 

Maintenir un tissu relationnel

 

"C’est à l’Église de faire attention aux prêtres vieillissants. Quand ils sont ordonnés, l’Église doit les accompagner jusqu’à leur mort sur le plan du logement et de la nourriture" ajoute Jean-Marie Onfray, qui tient également à rappeler qu'un religieux est un serviteur de Jésus-Christ avant d’être au service des autres : "Peut-être avons-nous trop associé le prêtre au faire, dans un monde où justement, c’est le faire qui qualifie les êtres humains. C’est avant tout dans sa relation avec Jésus qu’il vit son existence." Cependant, la société évolue et favorise un meilleur équilibre de vie : "Le devoir laisse aujourd’hui la place à l’expression du désir."

 

Parmi les 3 000 prêtres qui ont plus de 75 ans, 2 000 sont autonomes et 1 000 sont en EHPAD. 61% des plus de 85 ans vivent encore à leur domicile. D’après Marie-Claude Brandenbusch, c’est "l’histoire de vie" des prêtres qui influence principalement le choix de leur dernière résidence. La Maison Marie-Thérèse, située en Île-de-France, accueille uniquement des religieux à la retraite. "Il y règne un esprit ecclésial et une grande solidarité. On essaie de les garder en lien avec le diocèse, ils reçoivent des intentions de prière", témoigne l’assistante sociale.

 

Cependant, les situations où les prêtres gardent directement contact avec les paroissiens sont rares. L’essentiel est qu’ils maintiennent "la possibilité de partager”, précise Jean-Marie Onfray. Michel, un auditeur d'Annecy, a souhaité mettre en avant des réunions de groupe comme Vivre et aimer qui constituent "de très bonnes initiatives pour garder un souci de soi". Gérard Vauléon rappelle le développement des maisons sacerdotales. En accueillant quatre ou cinq prêtres vieillissants, elles représentent de véritables intermédiaires entre l’autonomie et les maisons de retraites.

 

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