Et si le fait de partager le peu que l’on a permettait de faire jaillir l’abondance ? C’est ce qui ressort de la page de l'Évangile de Luc que nous propose la liturgie de ce dimanche. Le don n'y est pas synonyme de division mais de multiplication. Et c'est Jésus qui offre cette étrange leçon de calcul dans laquelle moins égale plus. Un retournement qui vient balayer toutes nos certitudes et nos croyances. Il y est question de deux pauvres pains et de cinq poissons qui vont nourrir une foule nombreuse. Explications de la bibliste Régine Maire.
Jésus parlait aux foules du règne de Dieu, et guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. »
Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. » Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. »
Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.
Source : AELF
L'évangile de Luc a été écrit des dizaines d’années après la Résurrection. "Il me semble que l’intention de Luc, selon Régine Maire, c’est bien de nous donner à reconnaître à travers ce récit qui est Jésus." Il est intéressant de noter, que ce passage se situe "entre deux questionnements" liés à l’identité de Jésus. Il y a celui du roi Hérode qui jalonne les premiers chapitres. Et, immédiatement après l’épisode des cinq pains des deux poissons, cette fameuse question de Jésus : "Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?" (Lc 9, 20).
Des quatre évangélistes, Luc est le seul issu de la gentilité, c’est-à-dire du monde païen contrairement à Marc et Matthieu qui étaient monde juif. Mais le texte de Luc "s’appuie complètement sur l’évangile de Marc", celui qui a été écrit en premier. Luc présente ainsi Jésus "comme à la foi celui qui révèle quelque chose du Dieu d’Israël et celui qui, par ses actes, confirme sa parole, selon Régine Maire. Il fait ce qu’il dit et il dit que ce qu’il fait."
On peut supposer que c’est le souvenir d’un homme, Jésus, un peu exceptionnel, réalisant de nombreuses guérisons et proposant un enseignement très fort, qui guide Luc au moment où il rédige. Sous sa plume, Jésus est cet homme qui "introduit dans le style de vie que Dieu nous propose, le monde de Dieu", pourrait-on dire.
Une nouvelle fois est mentionné ici le règne de Dieu. La Bible y fait très souvent référence. Entrer dans le Royaume de Dieu, cela suppose une "transformation". Il s'agit "d'entrer dans l’Alliance et être de plain-pied avec, j’allais dire, le mystère mais c’est pratiquement de cet ordre-là", décrit Régine Maire.
L’Alliance, c’est le mot que l’on emploie pour qualifier les liens entre le Dieu unique et le peuple juif. Le Livre de l’Exode raconte comment cette Alliance a été nouée au sommet du mont Sinaï, lorsque Moïse a reçu la Torah. L’Alliance désigne à la fois le contrat et l’histoire qui en résulte. "Dieu se révèle et le peuple répond : toute l’histoire d’Israël va être à la fois les moments de joie et de bonheur, et les transgressions et les histoires de pardon et de réconciliation et les demandes de pardon."
Les évangiles parlent très souvent des foules, ces hommes et ces femmes attirées par l’enseignement et les gestes de Jésus, lui qui guérit des personnes atteintes de maux divers. "Les foules, c’est quel chose de dispersé de non personnalisé", analyse Régine Maire.
Il est notable de constater "qu’au milieu du texte Jésus va transformer cette foule en peuple en les mettant par cinquante, en les organisant comme un peuple". Régine Maire insiste sur "cette transformation de la foule qui devient peuple". En creux se pose la question de cette Alliance entre Dieu et son peuple que Jésus vient ouvrir aux nations, c’est-à-dire au monde païen. Comme le dit la bibliste, la parole de Jésus "ouvre quelque chose du mystère de l’Alliance dans laquelle le peuple juif est entré avec Dieu depuis l’Exode".
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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