François de Laval
Premier évêque de Québec, il a visité à pied et en canot son immense diocèse par quatre fois.
Une enfance tourmentée
François de Montmorency Laval naît le 30 avril 1623 dans une famille de haute noblesse, mais désargentée. Il signera toujours plus tard François de Laval et c’est sous ce nom qu’il est passé à la postérité. François est le troisième garçon de la famille. Selon les coutumes de l’époque, ses parents le destinent à devenir prêtre et il reçoit la tonsure à 8 ans. Il est envoyé à La Flèche dans le collège des Jésuites. Malheureusement, son père meurt alors qu’il n’a encore que 13 ans, ce qui réduit sa famille à une situation économique précaire. Son oncle François de Péricard, le frère de sa mère est évêque d’Évreux. En 1637, il nomme son jeune neveu chanoine de sa cathédrale, un poste qui lui assure un revenu ecclésiastique fixe. François peut donc soutenir financièrement sa famille et continuer ses études. Au collège des Jésuites, il rejoint la congrégation de la Sainte Vierge animée par un saint père jésuite, le Père Bagot, et sa vocation sacerdotale se confirme. Il est donc envoyé à Paris pour étudier la théologie. Il a 18 ans.
Le malheur s’abat de nouveau sur la famille de Laval. Ses deux frères aînés sont tous deux tués à la guerre, l’un en 1644, l’autre en 1645. La maman de François se retrouve démunie et elle le supplie d’abandonner son projet de sacerdoce et de se marier pour se consacrer à sa famille et en assumer le rôle de chef qui lui revient désormais de droit. François refuse, mais il se consacre un temps à la gestion des affaires familiales où il dévoile ses grandes qualités d’administrateur. Soutenu par son oncle évêque, il persiste dans son désir de devenir prêtre et est ordonné le 1er mai 1647. Son oncle le nomme archiprêtre d’Évreux, c’est-à-dire qu’il s’occupe de l’administration de cet important diocèse de cent cinquante-cinq paroisses, et il le fait avec brio.
Il continue d’aller régulièrement à Paris pour son doctorat et est en contact avec la « Société des Bons Amis » animée par le père Bagot. La visite en 1653 d’un missionnaire jésuite enflamme les jeunes du groupe qui s’offrent à partir en mission au loin. François de Laval est de ceux-ci. Il est même pressenti pour être vicaire apostolique en Indochine, mais le projet ne se réalise pas.
François voit dans ces empêchements l’action de la Divine Providence. Il s’installe à Caen où il se met sous la direction de Jean de Bernières, un laïc pieux qui a fondé une petite communauté de prêtres et de laïcs appelée l’Ermitage. Jean de Bernières est l’auteur d’un livre de spiritualité « Le chrétien intérieur » qui marque profondément François de Laval. Les membres de cette communauté se consacrent à la prière et aux œuvres de miséricorde.
Ici de nouveau, Jean-Luc Moens aime souligner le fait que François cherche toujours à cheminer en groupe vers la sainteté, y compris dans un groupe fondé et dirigé par un laïc qui devient son guide spirituel sur le chemin de la sainteté. Il est beau de voir que, toujours dans l’Église, il y a eu des laïcs qui brûlaient du désir de la sainteté. En entrant dans cette communauté qui s’engage dans l’évangélisation et le travail social, François est aussi guidé par la Providence qui a son plan. En effet, le fondateur de la communauté, Jean de Bernières, a contribué quinze ans plus tôt au départ des premières Ursulines pour le Canada, parmi lesquelles la future sainte Marie de l’Incarnation. Il y a des liens avec le Canada.
Un départ pour le Québec
En 1657, la Nouvelle France – le nom qu’on donne à l’époque au Québec – s’adresse au roi Louis XIV pour demander que soit nommé un évêque résident. Or la Nouvelle France dépend pour le moment de l’évêque de Rouen qui ne voit pas d’un bon œil cette émancipation d’une partie de son diocèse. Mais le roi accepte l’idée d’un vicaire apostolique, ce qui déchaîne une salve d’oppositions, orchestrée par l’archevêque de Rouen devenu entre-temps archevêque de Paris. Il empêche le départ de François de Laval, mais la Nouvelle France fait appel au pape qui accepte que François soit ordonné évêque en secret. L’ordination épiscopale a lieu à Paris le 8 décembre 1658 dans l’abbaye bénédictine de Saint-Germain-des-Présidents qui échappe canoniquement à la juridiction épiscopale de l’archevêque de Paris. Ce dernier est furieux lorsqu’il apprend la nouvelle, et rien ne le fait décolérer, pas même les menaces de sanctions papales. Le roi Louis XIV s’en mêle. Il rencontre François de Laval et est vivement impressionné par la qualité du nouvel évêque. Il devient un de ses soutiens les plus fidèles et efficaces, ce qui permet à François de finalement s’embarquer pour Québec où il arrive le 16 juin 1659.
Il découvre son diocèse qui est immense territorialement : il s’étend de la baie d’Hudson aux bayous de la Louisiane, mais il ne compte que 2 000 colons, essentiellement installés à Québec et dans les environs. Le clergé comprend 25 prêtres, 17 jésuites, 6 prêtres séculiers et 4 sulpiciens. Il y a deux couvents de religieuses, les Ursulines et les Augustines hospitalières. La supérieure des Ursulines est Marie de l’Incarnation qui est une grande mystique et qui est canonisée elle aussi. Les relations entre François de Laval et Mère Marie de l’Incarnation ne sont pas simples au début. On peut être saints et avoir des difficultés à s’entendre. Cependant Mère Marie de l’Incarnation reconnaît la grande valeur de Mgr de Laval : « Je ne dis pas que c’est un saint, ce serait trop dire : mais je dirai avec vérité qu’il vit saintement et en Apôtre. »
La proximité et la charité
Très vite, on découvre les qualités du nouvel évêque. Il est simple, proche des gens, ce qui le fait aimer très vite par la population locale, y compris chez les indiens. Son réseau d’amis en France lui envoie de quoi subsister et cela lui permet d’exercer largement la charité. Très vite aussi, des tensions naissent avec le gouverneur de la Nouvelle France qui n’est pas habitué à avoir un évêque résident sur son territoire et qui est aussi gallican, c’est-à-dire qu’il prétend que l’autorité du roi de France surpasse celle de l’Église et du pape (et donc de son évêque). Mgr de Laval commence immédiatement à visiter son immense diocèse. En hiver, il utilise des raquettes et en été, un petit canot. Il voyage accompagné d’un seul ecclésiastique. Il confirme des centaines de chrétiens français ou indiens d’origine.
Il se rend vite compte des ravages que fait l’eau-de-vie chez les amérindiens. Il en interdit la vente sous peine d’excommunication. Cela provoque un conflit ouvert avec le gouverneur, car l’eau-de-vie facilite le commerce de la fourrure. Pour résoudre cette crise, François de Laval retourne en France et plaide sa cause auprès de Louis XIV qui se souvient très bien de lui. Il l’accueille chaleureusement et lui accorde ce qu’il demande : il rappelle le gouverneur, il décide de faire de la Nouvelle France un diocèse à part entière et il donne à son évêque les mêmes pouvoirs politiques qu’au gouverneur ! C’est une victoire complète !
De retour en Nouvelle France, Mgr de Laval peut ouvrir un séminaire, inspiré de celui des missions étrangères de Paris. Le séminaire de Québec est une institution unique. En effet, l’évêque l’a doté de revenus suffisants pour rémunérer les prêtres en exercice qui ne dépendent plus de l’aide de leurs paroisses. La situation reste tendue avec le gouverneur. En 1671, Mgr de Laval retourne une nouvelle fois en France où il reçoit le soutien de Louis XIV, mais cela n’arrange pas sa situation, car l’entourage du roi soutient par derrière le gouverneur contre l’évêque. En 1680, il entame la troisième visite pastorale de son diocèse. À la fin de sa tournée, il tombe gravement malade et manque de mourir. Il décide de donner sa démission au roi, ce qu’il fait en 1684. Le roi lui propose de choisir lui-même son successeur. François de Laval porte son choix sur l’abbé de Saint-Vallier, un prêtre réputé très pieux, bon théologien et zélé. Mais arrivé au Québec, l’abbé de Saint-Vallier se révèle doué d’un affreux caractère. On lui demande de démissionner, il refuse. Toute la fin de sa vie, François de Laval aura à supporter les tracasseries de son successeur, jusqu’à ce qu’il soit fait prisonnier par les Anglais, et que Louis XIV refuse de payer la rançon libératrice. C’est François de Laval qui assure l’intérim jusqu’à sa mort, le 6 mai 1708, suite à une engelure au talon qui s’est déclarée pendant le semaine sainte.
Une soumission heureuse à la Providence
Il a été béatifié par Jean-Paul II en 1980 et canonisé par le pape François en 2014 par le processus de canonisation équipollente dont je vous ai déjà parlé. François de Laval est un des saints qui nous indique avec le plus de force la voie de l’abandon et de la confiance dans la Divine Providence. Il a appris à voir la main de Dieu dans tous les événements de sa vie qu’ils soient heureux ou malheureux, convaincu – je cite – que « la Providence de Dieu […] nous oblige plus particulièrement de nous abandonner entièrement à son adorable conduite et d'y mettre toute notre confiance » car « la main de Notre-Seigneur est infiniment plus puissante pour édifier. Nous n'avons qu'à Lui être fidèles et Le laisser faire. »
RCF vit grâce à vos dons
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !