La défense : une réalité locale dans le département du Cher

Un article rédigé par Science Défense et Foi (Observatoire Economique et Social du Diocèse de Bourges) - RCF en Berry, le 16 novembre 2023 - Modifié le 16 novembre 2023

C'est sans doute, de loin, le secteur qui recrute le plus dans le Cher ...
On s'intéresse à la défense, son jargon, son histoire et ses caractéristiques, avec le groupe "Science Défense & foi" du diocèse de Bourges.

credit : www.archives18.fr ; 1914-1918--le-cher-pendant-la-grande-guerrecredit : www.archives18.fr ; 1914-1918--le-cher-pendant-la-grande-guerre

La Défense: quelle réalité locale?

zoom sur le Cher (18)

Le Berry, loin des frontières, donc loin des ennemis, est historiquement une terre marquée par les institutions de l’armement, et les Armées y restent très présentes. La base aérienne 702 d’Avord (classe 3000 personnes), les Ecoles Militaires de Bourges (500 permanents, jusqu’à 1000 élèves formés par jour), la toute récente École militaire préparatoire technique (EMPT) , l’ex ETBS (DGA-TT, classe 800 personnes) et son Polygone de tir, le Centre de formation de Bourges de la Délégation Générale pour l’Armement, la gendarmerie, la Délégation Militaire Départementale et l’enclos Sainte Jeanne …

“la base d’Avord, classe 3000 personnes” : quelle drôle de façon de parler ….

Oui, c’est vrai, pardon pour le jargon, Le langage technique (de l’ingénieur, du physicien ou du chimiste) et militaire a ses expressions, ses idiomes, parfois déconcertants en dehors de son cercle, en particulier pour la majorité du clergé sans doute. Cette tournure qui avait utilisée lors de la réunion du groupe science Défense et Foi  le 13 janvier dernier,  pour désigner l’ordre de grandeur, le niveau, le chiffre approximatif du personnel concerné :. Classe 3000 personnes, cela suggère que ce peut être 2500 ou 3500, mais pas 1000 ou 5000 personnes, comme un budget d’une phase de développement d’un type de missile peut être « classe 300 Meuros ». Autre exemple pour illustrer les codes de ce monde technique :  la tenue mécanique d’un boulon « classe 12.9 » : le premier chiffre renseigne sur la résistance à la rupture alors que le produit des 2 (leur multiplication) donne la limite élastique : 12 x 100 → la limite de rupture Rm vaut au moins 1200 MPa,,12 x 9 x 10 → la limite élastique Re0.2 est supérieure à 1080 MPa. Enfin « M « signifie 106, en l’occurrence 300 million d’euros et 12000 ou 10800 bar de contrainte mécanique maximale… 

Pardon pour ce jargon, mais d’autres métiers -même les journalistes- en ont aussi :)

Merci de cette ouverture et de cette précision, revenons à notre examen de la réalité locale. Il y a aussi l’aspect industriel de ce que certains appellent le complexe militaro-industriel ?

L’industrie d’armement est très présente à Bourges : MBDA, Nexter/KNDS, ASB et Roxel, … ainsi que les nombreux sous-traitants mécaniques des alentours (la BITD, "base industrielle et technologique de défense").

Avec la chute de l’URSS, les « dividendes de la paix » ont vu les plans sociaux, les diminutions d’effectifs, les restructurations, ... Le passage de la conscription à l’armée de métier, et les choix politiques où le budget de la défense était réduit (autour de 2% du PIB contre plus de 5% dans les années 1960) ont profondément modifié la réalité de la défense en France et en Europe. On a vu les coopérations « produits » (avion transall et missile Milan décollant de Bourges en partenariat avec l’Allemagne, missile Aster avec l’Italie, missile SCALP avec la Grande Bretagne, …) se transformer en regroupement industriels (le groupe industriel européen MBDA regroupe les missiliers d’Aerospatiale et Matra, du Royaume Uni, d’Italie et d’Allemagne). Les chiffres d’affaires restent, en regard d’autres secteurs industriels, de niveau intermédiaire. Dans la région Centre Val de Loire (CVL), l’industrie d’armement est pour 1/3 dans le Cher et pour ¼ à Bourges.

Les ministres de la Défense, mais aussi les présidents de la République (avril 2017, novembre 2022), viennent visiter les EMB, MBDA ou la base d’Avord. La presse locale et nationale en rend compte.

L’aumônerie militaire fonctionne, comme dans d’autres garnisons de France, pour les armées et la gendarmerie.

Les sociétés savantes (3AF…), les associations (Agora Défense, Centre-Science), l’OESD, les corporations (AeroCentre, GIFAS) accompagnent ces préoccupations dans la société civile. Les aéro-clubs (au sens large) sont à citer aussi dans cette culture aéronautique et de défense.

Et cette évolution continue, … avez-vous repéré des modifications sur l’état d’esprit des acteurs du domaine de la Défense dans le Berry ?

Depuis quelques années, à cause des besoins de la Défense et du renouvellement des armes et des acteurs, notamment les départs à la retraite de ceux qui ont été embauchés massivement dans les années 1980 (les Députés locaux vont parfois jusqu’à expliquer aux élections que c’est grâce à eux que telle ou telle commande d’armement a été faite), la physionomie des salariés des acteurs de l’armement s’est profondément modifiée, très fortement rajeunie. Dans certaines entreprises locales, par exemple, la moitié des salariés ont désormais largement moins de 10 ans d’ancienneté.

On sait ce qui les motive pour venir travailler dans ce secteur ?

L’intérêt technique motive toujours à rester, et les conditions de vie locales séduisent, finalement, les jeunes familles, notamment parisiennes.

La question du « sens » semble prendre de plus en plus de place, et trouve actuellement une réponse de plus en plus nette dans le domaine de la Défense. 

Les sous-officiers et officiers qui passent aux EMB suivent les tendances de la société mais la conscience de la mission demeure forte (les Armées, ne l’oublions pas, recrutent dans le monde civil, mais le creuset de la formation militaire, initiale et vraiment continue, est très performant !)

Les jeunes générations de salariés semblent s’ s'intéresser davantage que leurs ainés aux questions de géopolitique, et aux considérations éthiques liées à la Défense, au marché des armes (régime d’exception, fortement réglementé), à la Défense Nationale, à l’intégrité scientifique et technique, ou à une vraie conscience écologique.

Si la France (et Bourges) voit toujours une désaffection des jeunes pour les filières scientifiques et techniques, et de façon encore plus marquée pour les filles, on rencontre ici des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs passionnés, avec une proportion de plus en plus importante de femmes, à tous ces postes.

Il y a sans doute d’autres caractéristiques à noter pour cette réalité de la Défense dans le Berry ?

La culture du secret, qu’il soit industriel ou de défense, est une des caractéristiques de cette population, avec la préoccupation de la sécurité (tout particulièrement dans les usines, les installations d’essais, les ateliers pyrotechniques, les soutes à munitions). Cela, comme le reste, modèle ces personnes et leur entourage. Pour citer un seul exemple, cela fait partie de la réalité que la philosophe Simone Weil a approfondi lors de son passage à Bourges (voir ses notes dans son journal intitulé “la condition ouvrière”, d'ailleurs au programme des prépas scientifiques en 2023).Certaines installations d’essais présentes ici sont uniques en France, voire en Europe, et ont fort peu d’équivalents dans le monde : à la NASA ou, plus récemment en Chine.

L’armement nucléaire (Dissuasion) fait partie de la réalité locale ( Avord, …).

Cette réalité locale est sans doute exacerbée par l’actualité mondiale ?

Les enjeux de la paix, de la défense, de la géopolitique, la relation avec l’enseignement du Christ sont assez profondément modifiés dans la conscience des acteurs, et des observateurs ou bénéficiaires par l’évolution géopolitique récente : guerre en Ukraine et en Azerbaïdjan, Afrique et Moyen-Orient, tribulations en Chine….

Que Saint Martin, ancien officier, figure emblématique choisie pour ces chroniques traitant des questions de Défense, nous entraîne toujours plus loin dans notre réflexion. Les travaux du groupe local Science Défense et Foi, ou chacun d’entre nous en y réfléchissant en écoutant cette chronique, chemin faisant, fera à sa façon résonner l’Evangile dans notre société, et en particulier dans le monde complexe de la Défense et des technologies stratégiques.

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