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Foi chrétienne, science, ... la philosophe Simone Weil peut-elle nous aider ? (1/2)

Foi chrétienne, science, ... la philosophe Simone Weil peut-elle nous aider ? (1/2)

Un article rédigé par Science Defense et Foi (Observatoire Economique et Social du Diocese de Bourges) - RCF en Berry, le 12 janvier 2024  -  Modifié le 12 janvier 2024

On sait que la philosophe Simone Weil a habité Bourges une année scolaire environ, une plaque en témoigne au 7 place Gordaine. Des photos témoignent qu'elle participait aux réunions mathématiques du célèbre groupe Bourbaki, et apparemment elle ne se contentait pas d'aider à assurer l'intendance pour son frère André et ses collègues, en effet elle est plutôt célèbre pour la fulgurance de son intelligence philosophique et sa capacité de transmission et d'invention intellectuelle que pour son sens pratique, même si, comme on dit, elle mettait sa peau au bout de ses idées.

Pour réfléchir aux questions de notre temps, on peut se demander ce que peut bien nous apporter une philosophe, même originale, même passée par Bourges, Vierzon et Rosières, née dans une famille juive à Paris en 1909 et morte en 1943 à Ashford (Kent, UK) ?

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Foi chrétienne, Science ... :

la philosophe Simone Weil peut-elle nous aider 
à y réfléchir aujourd’hui ?

(partie 1)

Lors d’une précédente chronique « les mots des chrétiens », sur RCF, nous avions cité Simone Weil… « taclant » dans une lettre depuis Bourges où elle enseignait, un brillant ingénieur, ou nous rassurant depuis Marseille sur notre recherche personnelle de la vérité… 

Oui , elle y allait fort, mais n’est ce pas un peu une question d’intello AUJOURD’HUI dans le BERRY de la Mondialisation et des GAFAM (google, amazon, facebook,…, que Simone Weil n’imaginait même pas puisqu’elle est morte encore jeune pendant la Guerre),  ?
Certes, pour réfléchir aux questions de notre temps, on pourrait se demander ce que peut bien nous apporter une philosophe, même originale, même passée par Bourges, Vierzon et Rosières, née dans une famille juive à Paris en 1909 et morte en 1943 à Ashford (Kent, UK) ?

En particulier, pour les MATHS et la PHYSIQUE, être la sœur d’un mathématicien de haut vol l’autorise-t-elle à être pertinente, elle la normalienne agrégée de philosophie, professeur de lycée au Puy, à Roanne, à Bourges, pertinente pour questionner/discuter la théorie des quanta comme elle fait dans un échange épistolaire avec son frère André ? 

Il s'agit d'André Weil, du groupe Bourbaki, qu'on dit inventeur du symbole de l’ensemble vide, profitant de son temps en prison pour désertion pour résoudre des problèmes mathématiques sans être pour une fois trop dérangé dans ses travaux… C'est un peu comme Marcel Bascoulard, en janvier 1942, refusait de recouvrer la liberté et de quitter la cellule du Bordiot où il avait été provisoirement jeté parce qu’il dessinait les trains de la gare de Bourges (activité relevant possiblement de l’espionnage), tant qu’il n’avait pas fini de dessiner les mêmes locomotives sur les murs de sa cellule…

C’est vrai que le Berry a vu de biens étranges personnages… Mais Simone Weil est connue aussi pour, comme on dit, avoir mis sa vie au bout de ses idées… Et cherché à expérimenter les réalités qui l’intéressaient et qu’elle « pensait », comme on dit aujourd’hui …

Oui, elle a écrit sur la TECHNIQUE, l’INDUSTRIE et les MACHINES :
Avoir souffert de nombreux mois « à la chaîne » dans les années 30 et avoir trouvé la force de s’en faire l’écho le soir dans des articles, des lettres, des échanges, c’est original. Il est possible que ce qu’elle en raconte nous aide à avoir une vision pertinente de l’INDUSTRIE à l’heure de l’usine 4.0. Ce serait intéressant de savoir ce que les élèves des classes préparatoires scientifiques ont pensé en 2022 de l’étude de son « journal de la condition ouvrière », qui leur était imposée pour leurs épreuves de concours aux Grandes Ecoles d’ingénieurs ou à l’Ecole Normale supérieure à Saclay.

Dans notre chronique sur l’industrie de Défense dans le Cher, nous racontions ce qu’elle y raconte de sa visite à l’Arsenal et à l’école de Pyrotechnie de Bourges il y a près de 100 ans.

Et sur la science, Simone Weil part de sa connaissance des savants grecs de l’antiquité, cela peut-il être encore utile aujourd’hui ?

En relisant ses textes sur le sujet, chacun pourra se faire une idée. Ecoutons seulement ce qu’elle raconte à un camarade syndicaliste :

Cher camarade, 

 Comme réponse à l'enquête que vous m'envoyez concernant l'enseignement historique des sciences, je ne peux que vous raconter une expérience que j'ai faite cette année dans ma classe (classe de philosophie au lycée de jeunes filles du Puy).

Mes élèves, comme la plupart des élèves, ne regardaient les diverses sciences que comme des sommes de connaissances mortes, dont l'ordre est celui que donnent les manuels. Elles n'avaient aucune idée, ni de la liaison entre les sciences, ni des méthodes qui ont permis de les créer. Bref on peut dire que ce qu'elles savaient des sciences constituait le contraire d'une culture. Cela me rendait très difficile l'exposé de la partie du programme de philosophie intitulée « La méthode dans les sciences ».

Je leur ai expliqué que les sciences, ce n'étaient pas des connaissances toutes faites étalées dans les manuels à l'usage des ignorants, mais des connaissances acquises au cours des âges par les hommes, au moyen de méthodes entièrement distinctes des méthodes d'exposition qu'elles trouvaient dans les manuels. Je leur ai proposé de leur faire quelques cours supplémentaires d'histoire des sciences. Elles ont accepté, et les ont toutes suivis, sans que je les y oblige.

Je leur ai esquissé rapidement le développement des mathématiques, ordonné autour de l'opposition : continu, discontinu, et considéré comme un effort pour ramener le continu au discontinu, la première étape étant la mesure elle-même. je leur ai raconté l'histoire de la géométrie grecque (triangles semblables [Thalès et les pyramides] -théorème de Pythagore - découverte des incommensurables, avec la crise qui en est résultée - solution grâce à la théorie des proportions d'Eudoxe - découverte des coniques comme sections du cône - méthode d'exhaustion) et de la géométrie du début des temps modernes (algèbre - géométrie analytique -principe du calcul différentiel et intégral). Je leur ai expliqué - ce que personne n'avait pris soin de leur dire - comment le calcul infinitésimal avait été la condition de l'application de la mathématique à la physique, et par suite de l'essor actuel de la physique. Tout cela a été suivi par toutes, même les plus nulles en science, avec un intérêt passionné, et s'est fait fort facilement en six ou sept heures supplémentaires.

 

On se prend à rêver de l’avoir eue comme prof, et on repense au pape François s’extasiant dans une lettre récente du jeune Blaise Pascal retrouvant tout seul, petit garçon, les 31 propositions d’Euclide…

Juive d’origine, philosophe, Simone Weil est chrétienne, mais là aussi, à sa façon…

Le récit de son interrogatoire à la préfecture de Marseille, qui aurait pu mal se terminer vu comme elle malmène intellectuellement le fonctionnaire qui doit instruire le dossier de sa judéité, quand on faisait la chasse aux Juifs en France et en Europe, est assez incroyable…

 Philosophe, elle l’est assurément et officiellement. 

Agrégée à 22 ans, elle continue longtemps ses échanges avec Emile Chartier (« Alain » qui lui écrit en  janvier 1937 : « votre travail est de première grandeur; il veut une suite. […] Votre exemple donnera courage aux générations déçues par l’ontologie et l’idéologie .»), On rappelle qu’après sa mort, Albert Camus consacre une partie de son énergie à éditer son œuvre, … on en déduit qu’elle n’est pas considérée comme une philosophe anecdotique …

Et sa foi chrétienne, c’est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre ou de salive ?

oui, nous en dirons un mot dans notre prochaine chronique, et nous verrons comment un brillant mathématicien est épaté de voir comment le gout de Simone Weil pour "la mathématique" conduirait au Christ...

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