Un déni de moins en moins compréhensible. Alors que les alarmes ne cessent de se mutiplier, que les ressources en hydrocarbures commencent sérieusement à s’épuiser, que l'on a revu à la hausse les prévisions en matière de réchauffement climatique, qu'en novembre dernier - fait absolument inédit - le journal Le Monde publiait "Le cri d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète", on continue de croire que notre sacro-saint progrès va nous apporter des solutions. Dominique Bourg, auteur de "Une nouvelle Terre" (éd. DDB), met en cause notre matérialisme, à ce point développé que notre civilisation détruit les bases matérielles de notre vie commune.
"Une biodiversité en meilleure santé, c'est un changement climatique qu'on assume mieux ; un changement climatique qui s'accélère c'est une accélération de l'anéantissement des populations vivantes." Les chercheurs du Giec (aussi appelé Ipcc) comme de l'Ipbes (Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) sont formels, on se dirige vers un réchauffement inquiétant du climat et on est déjà entré dans la sixième extinction de messe des espèces. Réchauffement climatique et biodiversité : tout est lié, "on ne doit en aucun cas désolidariser les enjeux climatiques", explique Dominique Bourg.
Laudato si', la chronique - Fabien Revol, théologien et spécialiste d'écologie, nous propose de découvrir la manière dont les militants écologistes non-chrétiens ont accueilli l'encyclique Laudato si'. Il s'appuie sur un cycle de conférences organisé conjointement par l'association Chrétiens et pics de pétrole et la chaire Jean-Bastaire de l'Université catholique de Lyon (UCLy). Des conférences qui ont fait l'objet d'une publication, "La réception de Laudato Si' dans la militance écologiste" (éd. Cerf).
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Si on évoque souvent ce terme d'anthropocène, c'est pour signifier que l'humanité est devenue "la principale force géologique" mais force de destruction. On détruit en somme le système dans lequel on habite et qui nous fait vivre. "Nous sommes en train de dégrader, de façon accélérée maintenant, les conditions d'habitabilité au très long cours de la planète terre pour les espèces humaines et pour les autres espèces."
On va trouver des solutions grâce au progrès de la science : voilà "le credo occidental dans toute sa naïveté", dit le philosophe. Produire des éoliennes pour émettre moins de carbone, c'est toujours produire du carbone, et "quand on est des milliards à faire moins ça fait plus !"
Pour comprendre le point de vue de Dominique Bourg sur la façon dont on en est arrivés là et nos comportements de prédation vis-à-vis de la matière, il faut en passer par le concept d'"exosomatisation". Le terme paraît savant, il désigne le fait pour un individu de produire des organes artificiels en vue de compenser ce que naturellement il n'est pas capable de faire. Ainsi l'exosomatisation de nos capacités sinétiques, c'est-à-dire liées au mouvement du corps humain, correspondrait par exemple à la machine, qui crée un travail à la place du corps humain.
Dans le cas de l'exosomatisation de nos capacités mentales, ça commence avec l'alphabet grec, le premier à avoir réussi à isoler les voyelles des consomnes. Cela peut sembler un détail mais en réalité cet alphabet a permis au mot d'exister indépendemment de son locuteur et, partant, de "penser l'essence", de penser l'abstraction. "L'étape suivante est l'avènement de la science moderne" - et le fait de "reléguer les qualités sensibles pour comprendre le monde". D'où le dualisme cartésien où matière et esprit sont "deux ordres de réalité totalement étrangers l'un à l'autre".
Dans le cas de notre civilisation occidentale, le philosophe parle d'un "emballement du processus d'exosomatisation". Le meilleur exemple à ce jour reste dans le discours des tenants d'un transhumanisme excessif qui comptent sur le progrès de la science pour coloniser la planète mars. "Pour les peuples traditionnels, le donné naturel est respectable. Pour nous autres occidentaux le donné naturel n'a plus aucune valeur, il ne vaut que pour autant qu'on peut l'exploiter, le transformer." Le philosophe défend la spiritualité comme le lieu où l'individu est libéré de sa frénésie transformatrice et s'ouvre à une forme de contemplation.
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