Robert Redeker: "La mort est le berceau de notre humanité"
Que faisons-nous de nos morts? De la mort? À l'ère du fitness, du botox et du bien-être, "beaucoup de personnes de 50 ans n'ont jamais vu un cadavre de leur vie", observe Robert Redeker. Il y a là pour lui "une révolution anthropologique". L'homme contemporain serait réduit à l'état de "moi-corps" dans un déni de la perte ultime, la sienne et celle des autres. Or la mort est le "berceau de l'humanité", nous dit le philosophe. Dans son essai "L'éclipse de la mort", Robert Redeker nous aide à penser ce déni de la mort.
Dans notre société "hygiénisée, javélisée" la chair qui est adulée durant la vie devient insupportable quand il s'agit de celle du défunt
La mort, le "berceau de l'humanité"
L'homme sait qu'il est mortel, c'est même autour de ça que se sont contruites les civilisations. "S'il n'y avait pas eu de refus, et de négociation en même temps, avec la mort, il n'y aurait pas eu d'humanité", rappelle Robert Redeker.
Dans notre société actuelle, ce refus "n'est pas négociation". Le philosophe vise notamment le courant transhumaniste qui prône une "super longévité". Il est l'auteur, en 2010, de "Egobody - La fabrique de l'homme nouveau" où il observe l'existence de l'homme contemporain réduit à un moi-corps. C'est-à-dire qui "imagine que son moi c'est son corps", ce qui revient à nier son humanité "puisque c'est la mort qui est le berceau de l'humanité, ce qui nous distingue des bêtes".
déni de la mort, déni d'humanité
Souvent, on préfère dire "il est parti" au lieu de dire "il est mort". Peut-être par peur de se montrer trop brutal. Robert Redeker voit dans cette "substitution à l'intérieur du langage" le signe d'une peur, d'un désarroi. "Parce que la mort a disparu de notre imaginaire quotidien". Et pourtant sur les écrans, au cinéma, dans les séries, les jeux vidéo, on ne cesse de la voir. Quand elle fait irruption dans le réel on s'empresse de la mettre en scène, de la scénariser, par exemple les actes terroristes et leur traitement par les chaînes d'information en continu.
La mort dans notre société du spectacle
Si la mort est politiquement incorrecte, le cadavre est esthétiquement incorrect. Botox, compléments alimentaires... Dans notre société "hygiénisée, javélisée" la chair qui est adulée durant la vie devient insupportable quand il s'agit de celle du défunt.
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