Le voisinage, où se construit du lien social
On a beau chaque année célébrer la fête des voisins et tenter de recréer du lien à l'échelle de la proximité: pour beaucoup le voisin reste une nuisance. Que l’on vive en appartement, en pavillon, en centre-ville ou dans un petit village... le voisin est souvent celui qui dérange. Or, "on ne vit pas sans l'autre", souligne Hélène L'Heuillet. La psychanalyste constate même que "les voisins sont importants pour se sentir chez soi." Elle vient de publier "Du voisinage" (éd. Albin Michel) pour défendre une éthique du voisinage. Parce que les questions de coexistence sont essentielles dans notre société de masse où l'on est "serrés les uns contre les autres" et paradoxalement si seuls.
Le voisinage, dernier champ de bataille
Le voisinage, une thème qui s'est "imposé" à elle après les attentats terroristes de 2015. Le terrorisme est pour Hélène L'Heuillet une guerre de voisinage. Si en effet dans la guerre traditionnelle on trouve le front et l'arrière, dans cette "nouvelle forme de guerre qu'est le terrorisme", le champ de bataille est le voisinage. Il est la cause de peurs et d'autant de replis sur soi.
En 2001, la philosophe publiait un essai sur la police ; en 2016, elle redit dans son ouvrage l'importance de la "police de voisinage". Parce que "la police doit veiller au lien social: toute police est une police de proximité." Or du fait de la "bureaucratisation", explique-t-elle, ce rôle-là s'atténue.
"On n'appréhende jamais l'autre de manière rationnelle mais toujours avec nos fantasmes."
Ce besoin fondamental de l'autre
Hélène L'Hueillet observe notre société avec le recul du philosophe et la proximité du psychanalyste. La coexistence humaine est en tout état de cause un phénomène complexe. "Les personnes les plus policées peuvent être des voisins épouvantables." Même dans les petits villages où pourtant la densité de population est plus faible qu'en ville, d'importants conflits de voisinage peuvent advenir. On peut être un vu comme un mauvais voisin quand "la normativité" des lieux est trop forte.
"Quand le lien social se replie sur lui-même il se délite." Et le feuilleton américain "Desperate Housewives", qu'elle cite dans son essai - et qui l'a "beaucoup inspirée" - montre que "l'on n'appréhende jamais l'autre de manière rationnelle mais toujours avec nos fantasmes." Ces grands fantasmes archaïques qui sont ceux de l'intrusion, du vol, de la séduction, etc.
Faire l'expérience de l'altérité: l'art du vivre ensemble. "Les relations à l'autre dans les micro événements de la vie quotidienne sont lourdes de conséquences." La philosophe encourage à prendre conscience de l'image que l'on a de l'autre et qui n'est pas nécessairement juste. Elle rappelle que les relations que l'on a avec ses voisins peuvent déraper. Et qu'il faut en prendre soin: cela se joue dans les petits détails du quotidien.
Émission enregistrée en septembre 2016
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