Les Badjos, un peuple nomade à la dérive, appelé à disparaître du fait du changement climatique et de la raréfaction des ressources halieutiques. Avec eux, c'est toute une culture d'une richesse incroyable qui est menacée de disparaître. Le mode de vie et la culture de ces nomades de la mer sont si différents des nôtres que les étudier c'est se laisser interpeller sur notre propre rapport à l'autre et à l'environnement. Ce que François-Robert Zacot fait depuis plusieurs décennies. Depuis que, à l'âge de 28 ans, il a rencontré pour la première fois ces hommes et ces femmes chez qui tout nous semble "hors norme".
Véritable mystère, les origines du peuple Badjos fascinent les ethnologues. Car "on ne sait pas vraiment" d'où ils viennent, explique François-Robert Zacot. Leur histoire, ils la racontent de deux façons. Tout d'abord par un mythe qui constitue leur culture et se transmet par l'art du conte - on le chante pour bercer les enfants. C'est l'histoire d'une construction symbolique de la terre, à la faveur d'un tsunami. Originellement, et c'est un paradoxe, c'est "la peur de la vague" qui les a amenés à vivre sur l'eau.
Quant à la seconde version, la véritable histoire des Badjos, elle ne peut se raconter: elle se transmet dans le secret d'un chaman à l'autre. Ce qui constitue pour l'ethnologue "un rapport extraordinaire à la mémoire". Depuis des milliers d'années, ils se sont transmis une mémoire sur laquelle il y a un interdit. Ce sont les chamans qui y font référence, notamment lorsqu'ils entrent en transe.
Les Badjos vivent à 4, 5 ou 6 personnes dans des maisons-bateaux, larges de 1 mètre et longues de 4 ou 5 mètres. Ce sont espaces où ils dorment, mangent, naissent... Un habitat qui fait dire à l'ethnologue: "Nous aurions des réflexions à nous faire sur notre rapport à notre besoin d'espace et notre rapport à l'autre." Répartis sur une aire géographique de 5.000 km de long sur 3.000 de large, ils vivent au large des côtes des Philippines du Sud, d'Indonésie et de la Malaisie du Nord. Un espace immense, mais on a bien "affaire à un peuple", qui partage des croyances communes et une même dialecte. Entre eux ils se nomment les "sama", un mot qui signifie "identique".
François-Robert Zacot est ethnologue et sociologue, engagé auprès de la population badjo. Il lutte pour la valorisation de leur culture et contre leur sédentarisation. Il a pour projet de fonder un organisme dans le cadre d’une institution internationale.
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