Le bouddhisme à l'occidentale, histoire d'une déformation
Le bouddhisme à la sauce occidentale est-il le même que celui pratiqué en Asie ? Alors qu'en Occident, la société se sécularise, que le christianisme cherche un second souffle, le bouddhisme este à la mode. On le retrouve associé à la méditation de pleine conscience, au yoga, au véganisme, sans oublier les neurosciences qui démontrent les bienfaits de cette spiritualité sur l'homme. Comment expliquer un tel engouement pour un univers qui appartient à une toute autre culture? Marion Dapsance, auteure de "Qu’ont-ils fait du bouddhisme?" (éd. Bayard) se dit "très frappée par le fait que les pratiques auxquelles s'adonnent les bouddhistes occidentaux sont très différentes de ce qu'ils disent faire ou de ce que l'on raconte dans les livres".
Au XIXè siècle, on a fait du Bouddha "l'antithèse du Christ"
Sortir du saá¹sara...
Le but des pratiques bouddhiques, c'est de sortir du samsara. C'est-à-dire du cercle sans fin des renaissances. "Quand un être meurt, il y a une entité qui n'est pas son âme mais un continuum de conscience qui se pertpétue et se prolonge dans un autre individu." Ce que l'on désigne de façon pas tout à fait exacte par l'idée de réincarnation, ou de renaissance. "Cette renaissance n'est pas une chance, rappelle Marion Dapsance, puisque on peut très bien se réincarner dans un état inférieur, mais c'est un piège."
"Le saá¹sara est un monde régit par le désir et par l'illusion fondamentale de croire que l'on est un individu à part entière et non pas quelque chose de composé appelé à se dissoudre." En sortir relève d'une logique à l'inverse de la quête du bien-être. Et si les pratiques de développement personnel ont quelque chose de bénéfique, elles n'ont rien à voir avec le bouddhisme. Produit de la sécularisation européenne, le bouddhisme utilisé à des fins de bien-être et d'épanouissement, est "l'antithèse exacte de ce que propose le bouddhisme en Asie".
... l'inverse du développement personnel
Le bouddhisme n'a donc pas pour but la relaxation, ni le bien-être du corps. "La méditation a plutôt même pour but de créer un stress puisqu'il s'agit d'évoquer en son for intérieur des images qui vont susciter un sentiment d'urgence, l'envie de sortir du Samsara." Même si la conséquence de la méditation peut être un bien-être.
En important le bouddhisme en Occident, on lui a ôté son "cadre symbolique" pour en faire "une simple technique de relaxation". L'enseignement du Bouddha - dont on ne sait pas s'il a vraiment existé - est de dire que le monde se caractérise par la souffrance, qu'il y a un moyen d'échapper à la souffrance en déterminant sa cause : l'ignorance. "C'est un diagnostic sur la vie et sur la souffrance." Les Occidentaux utilisent ce qui les intéresse dans cette religion, et emploient comme une solution à leurs problèmes ce qui étaient des solutions aux problèmes d'autres cultures.
Les origines du bouddhisme à l'occidentale
L'engouement occidental pour le bouddhisme remonte au XIXè siècle. Et pour l'anthropologue des religions, ce n'est pas seulement la curiosité intellectuelle qui en est la cause, mais aussi l'envie "de trouver un substitut au christianisme". On est à l'époque d'un racisme et d'un antisémitisme larvés, où l'idée se répand de l'infériorité des peuples sémites. En s'intéressant à l'idée d'une "race aryenne", et à ses origines indo-européennes, on a supposé que se trouvait là l'ancêtre des civilisations.
Vers 1840, la traduction de textes sanskrits et pali où il était question de souffrance, rejoignait les préoccupations socialistes de remédier aux fléaux sociaux. On s'est tourné vers la figure du Bouddha que l'on a dégagée de la religion. "La plupart des érudits qui se sont penchés sur ces textes étaient souvent des anticléricaux, des gens qui étaient même souvent antichrétiens aussi, et qui avaient malgré tout besoin d'une forme de doctrine morale voire de culte religieux... Le Bouddha est devenu l'antithèse du Christ."
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