Des tipis et des bisons, des calumets de la paix et des coiffes de plumes… Au sujet des Indiens d’Amérique, on a tous en tête des images entretenues par les westerns ou les bandes dessinées. Or, quand on sait qu’une centaine de nations peuplaient l’Amérique du Nord, il y a de quoi se questionner sur la puissance de cet imaginaire, qui est pourtant si réducteur. Comment s’est-il construit ? C’est la question au cœur de l’exposition du musée des Confluences à Lyon, "Sur la piste des Sioux".
On a bien du mal à les nommer : aux États-Unis, on les appelle les natives ; en France on a gardé le terme d’Indiens d’Amérique. Comment les populations d’origines du continent nord-américain sont-elles perçues aujourd’hui ? Pour le savoir, le musée des Confluences a commandé une étude au Credoc il y a un an. "En 2020, 2021, on garde cette image des tipis, des bisons et des calumets, rapporte Yoann Cormier, chef de projet de l'exposition, une image quand même très très orientée Indiens des plaines, et particulièrement orientée Sioux."
Un imaginaire solidement ancré, au risque de nier l’incroyable diversité des peuples nord-américains. Sur un territoire grand comme un demi-continent, vivaient "des centaines de nations différentes". Et s’il reste "peu de traces historiques écrites", on peut penser "qu’un millier de langues" y étaient parlées.
Exposition "Sur la piste des Sioux" au musée des Confluences ©musée des Confluences – Bertrand Stofleth
Dès l’arrivée des premiers colons européens, des illustrateurs ont diffusé en France des représentations des populations locales. "Soit avec un souci de réalisme assez fort, soit avec un arrière-plan idéologique", observe Yoann Cormier. À l’idée du bon sauvage et du paradis perdu, a succédé un imaginaire violent, qui a suscité des "fantasmes autour du scalp"… Ce qui est notable, c’est que selon les alliances qui se sont faites et défaites entre nations indiennes et pays d’Europe, les Indiens n’ont pas été représentés de la même manière. Ainsi les Iroquois, alliés des Anglais, "sont représentés de manière très violente et très sanguinaire par les artistes français".
Petit à petit, à mesure que la France perdait son influence en Amérique, c’est la fiction qui est venue installer un imaginaire. "La première vraie rencontre des Français avec ces populations-là, c’est ce qu’on a appelé à l’époque le roman de l’Ouest, la littérature western." Et notamment les romans de Gustave Aimard, qui montraient "des Apaches sanguinaires, dignes et très sauvages".
Carte postale souvenir du Buffalo Bill’s Wild West, Groupe d’Indiens défilant à Paris, première moitié du XXe siècle ©musée des Confluences
S’il y a bien un homme qui a profondément marqué l’imaginaire des Français, c’est Buffalo Bill. Il tient une place importante dans l’exposition du musée des Confluences. En 1889, il était à l’exposition universelle de Paris. Puis il y a eu sa tournée dans toute la France, en 1905. "Quasiment toutes les villes de France accueillent Buffalo Bill. C’est un des grands divertissements des premières années du XXe siècle."
Or, ce personnage voyageait avec une ethnique Lakota, qui appartient au groupe des Sioux. Des Lakotas qui "ont tous les attributs de ce que l’on a aujourd’hui en tête lorsque on pense à un Indien générique" : plumes, tipis, tomahawk, calumet de la paix... Et "ce côté barbare de la horde indienne qui attaque la diligence, c’est vraiment Buffalo Bill qui a créé cet imaginaire-là", pour Yoann Cormier. Imagine amplement repris par Hollywood.
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