Existe-t-il un bon déchet? Quand on voit la "grande soupe" de restes qu'est devenu l'océan, les Homo detritus que nous sommes ont intérêt à repenser leur façon de produire du déchet.
Homo detritus, la face cachée de l'Homo œconomicus? Qu’ils soient stockés dans les décharges, éparpillés à la surface des océans ou dispersés dans l’air sous forme de particules fines, les déchets sont partout. Plastiques, radioactifs, chimiques... ces restes de nos sociétés technico-industrielles, fermement dénoncées par le pape François dans son encyclique Laudato Si', sont les symptômes de notre monde. Un monde qui produit toujours plus et qui tente d’enfouir ses restes. Des questions au cœur de l'essai passionnant signé Baptiste Monsaingeon, "Homo detritus" (éd. Seuil).
SEPTEMBRE, LE MOIS DE LA CRÉATION SUR RCF - Du 1er septembre au 4 octobre 2017, RCF vous propose une programmation spéciale. C'est en 2007, lors de la 3ème assemblée œcuménique chrétienne réunie à Sibiu en Roumanie, qu'a été lancée l'idée d'un "Temps de la Création". La Journée de prière pour la création a, elle, été créée en 1989 par le patriarche œcuménique de Constantinople, Démétrios Ier. L'association Oeko-logia la célèbre depuis 2009. Quant à l'Église catholique, elle l'a officiellement instituée en 2015.
Mais il faut remonter à la fin du XIXe siècle et à l'émergence de la pensée hygiéniste, pour comprendre ce qui se joue dans l'évolution de notre rapport au déchet. Quand le préfet Eugène Poubelle (1831-1907) invente la désormais célèbre poubelle, "il donne naissance à l'homo detritus", selon Baptiste Monsaingeon.
En effet, dès lors que le déchet est enfermé dans une décharge ou qu'il est mis à part, il devient non plus un "à soi" mais un "à part soi", selon l'expression du philosophe Cyrille Harpet. C'est-à-dire que l'on y pense plus. Avant le tournant du XIXe siècle, les déchets, qui étaient principalement organiques, constituaient une sorte de bien commun, d'une façon ou d'une autre on les réutilisait. Interdit au XIXe siècle, le métier de chiffonnier procurait du travail à plus de 500.000 personnes entre 1850 et 1900. Des chiffonniers qui "participaient à la mise en circulation des restes".
Aux États-Unis, quand on a voulu simplifier la vie de la ménagère, on a valorisé l'acte de jeter à la poubelle ses détritus, comme on jette ses problèmes ménagers. Baptiste Monsaingeon parle de "libération culturelle de l'individu." Tout a commencé avec l'apparition au milieu du XIXe siècle du col jetable, comme l'a montré l'historienne Susan Strasser, qui a beaucoup travaillé sur l'invention de la jetabilité. En remplaçant les cols de chemise en coton par ceux en carton, on a ouvert la voix aux serviettes, aux couches jetables, etc. Jusqu'aux emballages à usage unique, qui aujourd'hui "posent très clairement question à ceux qui étudient les déchets".
On parle souvent du continent plastique, le fameux 7e continent flottant. En 2009, à bord d'un voilier, Baptiste Monsaingeon est allé voir de plus près cette réalité. Il a participé à la première expédition dédiée à l’identification de concentrations de débris plastique en Atlantique Nord. "Une grande soupe" de déchets comme un retour du refoulé, ce dont on cherchait à se débarrasser, loin de notre champ de vision, qui est bel et bien là. Dans les océans mais pas seulement. Des traces indélébiles, souvent infimes, de notre présence sur terre.
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