Changement de regard sur la souffrance animale
Il semble que nos sociétés prennent - enfin - conscience que les animaux ont une intelligence et que les animaux peuvent souffrir. Ce changement de regard sur l'animal est récent. Il doit beaucoup aux travaux de l'historien l'Éric Baratay. Il nous explique pourquoi cette lente évolution qui conduit à un respect de l'animal, respect bénéfique également, par ricochet, au vivre-ensemble.
"Un animal qui souffre sécrète des substances, l'homme fait pareil"
Quand l'homme change de regard sur l'animal
Historien de la condition animale, Éric Baratay mène depuis une trentaine d'années un important travail sur la façon dont les sociétés occidentales traitent l'animal. "À la fois c'est très intéressant de travailler sur ce sujet et finalement d'avoir un tout petit peu contribué à l'imposer, c'est devenu un sujet normal." Éric Baratay se réjouit également de voir le changement s'opérer depuis environ une dizaine d'années, aussi bien "dans le monde intellectuel universitaire" et, "depuis 2007 à peu près, dans la société".
Au XIXe siècle, la défense de l'animal
Pourtant, bien avant les antispécistes, avant le parti animaliste, avant le véganisme, des positions très fortes ont été prises au XIXe siècle contre la souffrance animale. On connaît cette phrase célèbre de Victor Hugo : "L'enfer n'existe pas pour les animaux, ils y sont déjà."
On connaît sans doute moins les prises de positions de Louise Michel (1830-1905), amie du grand écrivain, qui écrit dans ses mémoires : "Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve, du plus loin qu'il me souvienne, l'horreur des tortures infligées aux bêtes. J'aurais voulu que l'animal se vengeât, que le chien mordît celui qui l'assommait de coups, que le cheval saignant sous le fouet renversât son bourreau. Mais toujours la bête muette subit son sort avec la résignation des races domptées. Quelle pitié que la bête !" Pourquoi donc faut-il attendre le XXIe siècle pour voir le changement se produire dans notre société ?
Prouver la souffrance animale
S'il est difficile de savoir précisément les causes d'un tel changement dans notre société occidentale actuelle, on peut toutefois considérer ce "fait fondamental" qui est que "depuis environ les années 1990, la douleur se prouve, se mesure" scientifiquement. "Un animal qui souffre sécrète des substances, l'homme fait pareil."
Aussi, quand Louise Michel soutient que l'animal souffre, on pouvait toujours à l'époque lui rétorquer que cela était faux. On sait prouver et mesurer la souffrance des animaux, même ceux considérés comme "très bas dans notre échelle, comme les poissons ou les mollusques. "Ça change beaucoup beaucoup de choses, le débat sur la corrida par exemple n'est plus le même..."
Émission diffusée en janvier 2019
RCF vit grâce à vos dons
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !