La crise sanitaire actuelle souligne nombre de problématiques liées à l’écologie et déjà beaucoup de questions se posent sur le monde d’après l’épidémie. Peut-on se permettre de tout recommencer comme avant ? N’avons-nous pas le devoir collectif de nous demander ce qui, dans le monde d’avant, a contribué à la situation actuelle et d’en tirer les enseignements ? Pour la juriste Valérie Cabanes, connue pour son engagement pour la reconnaissance du crime d'écocide, si nous ne modifions pas nos modes de vie, cette pandémie n'est "que la première". Elle nous invite à penser le bouleversement en cours comme une occasion de repenser notre monde.
Valérie Cabanes insiste sur la dimension universelle du drame qui se joue et sur le fait que les plus pauvres en sont les premières victimes, loin de nos préoccupations occidentales : "Je pense énormément aux populations africaines, à l'Inde, aux populations amérindiennes qui ont un déficit immunitaire par rapport à nous, une incapacité génétique à se défendre contre ce type de virus, à toutes ces populations pauvres qui ne peuvent pas se confiner parce qu'elles ont besoin de se nourrir, d'aller chercher de l'eau, qui vivent parfois dans des bidonvilles serrés les uns contre les autres. Je suis consciente de toutes les souffrances que nous vivons au quotidien, mais je pense qu'elles sans commune mesure avec ce que vivent les populations des pays les plus pauvres".
Si nous ne changeons pas nos modes de vie, il y aura d'autres épidémies de ce type, prévient Valérie Cabanes. Pour elle, un changement profond de nos modes de vie et des règles de nos sociétés s'impose avec cette pandémie, qui n'est "que le symptôme des pressions que nous exerçons sur les écosystèmes du monde depuis trop longtemps".
En cause, la déforestation et une urbanisation galopante. "Une zoonose, c'est-à-dire une maladie qui se transmet d'un animal sauvage vertébré à un humain ne peut se transmettre que quand les humains sont trop proches des espaces sauvages. La déforestation y contribue, tout comme l'urbanisation galopante, la concentration d'humains au même endroit trop près des espaces naturels, le braconnage et le fait de se nourrir de viande d'animaux sauvages..." Ainsi, pour la juriste, si rien ne change, cette pandémie "n'est probablement qu'une des premières que nous allons vivre".
Pour Valérie Cabanes, le droit est outil précieux. Présidente d’honneur de Notre affaire à tous, elle nous éclaire plus largement sur la manière dont le droit est un outil incontournable pour relever le défi écologique. Juriste en droit international, spécialisée dans les droits de l’Homme et le droit humanitaire, pendant une quinzaine d'années elle a dirigé des programmes internationaux destinés aux plus fragiles dans les domaines de la santé et des droits humains. C'est sa rencontre avec les peuples premiers qui a provoqué sa prise de conscience écologique et qui l'a poussée à s'engager sur ce terrain.
Émission d'archive diffusée en avril 2020
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