"Un homme, c'est quoi ? Je sais pas, je sais plus", dit la chanson de Jérémy Frerot. Depuis la vague féministe des années 70 et le mouvement MeToo, la masculinité serait en crise. Pour la sociologue Christine Castelain-Meunier, il s'agit plutôt d'un "processus d'humanisation du masculin". Les hommes sont aujourd'hui poussés à admettre leur sensibilité. Et à remettre en question une certaine conception de la virilité.
"Je n’ai pas envie de parler de crise, de malaise, mais de processus d’humanisation du masculin." La masculinité, ou plutôt "l’épopée du masculin et de la paternité", comme elle la désigne, Christine Castelain-Meunier l’explore depuis plusieurs années. Pour la sociologue, chercheur au CNRS, enseignante à l'École de psychologues praticiens (EPP) et auteure du livre "Les métamorphoses du masculin" (éd. PUF, 2005), il y a là "un sujet sans fond, tellement riche et porteur d’enseignements, une fois qu’on en comprend la complexité !"
Par "processus d’humanisation du masculin", il faut entendre une prise de distance chez les hommes "par rapport au modèle de la virilité". Modèle "qui leur demandait de ne pas pleurer, d’être fort, d’être macho, dominateur, supérieur, etc." Les hommes sont aujourd’hui "poussés à prendre du recul par rapport à toute cette manière de définir le masculin autrefois".
"Un homme", de Jérémy Frérot (2020)
La sociologue distingue "le masculin en changement" et "le masculin défensif, offensif, dominateur", que Christine Castelain-Meunier, appelle "le masculinisme". Dans "le masculin en changement", il y a une prise de distance "par rapport à la conception antérieure de la virilité". On accepte peu à peu que les hommes puissent être sensibles. Sensibilité qui était autrefois l’apanage des femmes. "On sent bien que l’homme se met en distance par rapport à cette culture qui le poussait vers le machisme, cette domination, et doit trouver les repères, les codes, les moyens de s’affirmer, en acceptant plus ses failles, ses faiblesses et sa sensibilité."
"XY" de Vitaa et Slimane (2019)
C’est l’autonomisation des femmes dans les années 70 qui a peu à peu modifié la vision que les hommes ont de la masculinité. Il y a eu en effet "un enchaînement de lois" qui ont transformé "véritablement le paysage familial et la vie des individus". Ainsi, "en 1970, le remplacement de la puissance paternelle par l’autorité parentale" ; "en 1974, la possibilité de divorce par consentement mutuel" ; et en 1975, le principe de co-parentalité, où l’on "peut partager les responsabilités parentales, que l’on soit homme ou femme".
Comment être avec l’autre ? Comment accepter l’idée que le masculin ne se définit plus par opposition au féminin et ne se définit plus par opposition à l’homosexualité ?
Au-delà du dispositif législatif qui a conduit à un changement des mentalités, reste la question, infiniment complexe, de "l’interaction entre les hommes et les femmes". Le mouvement MeToo, lancé en 2007, incite, selon la sociologue, "les hommes à respecter les femmes, à ne pas être agressif à respecter le désir le bon vouloir, le corps et l’autonomie de la femme". Christine Castelain-Meunier explique : "Tout ça pousse les hommes à être dans une subjectivité, une réflexivité, pour trouver eux-mêmes des codes, des repères, qui vont leur permettre d’être adaptés à une société où il s’agit d’être dans l’estime de soi, bien sûr, mais aussi surtout dans le respect d’autrui et notamment le respect des femmes."
"Comment être avec l’autre ? Comment accepter l’idée que le masculin ne se définit plus par opposition au féminin et ne se définit plus par opposition à l’homosexualité ?" Aujourd’hui, la chercheur l’observe : les adolescents comme les hommes essaient de "trouver leur place". Il y a une volonté "d’être accepté", notamment auprès des femmes. Les hommes d’aujourd’hui "cherchent le moyen d’être à la fois attractifs et acceptés".
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