Je ne suis pas un spécialiste du parcours judiciaire et médiatique complexe qui accompagne la situation tragique de Vincent Lambert, de ses soignants et de ses proches, mais j’ai eu l’occasion d’en parler ce week-end avec un médecin dont la réflexion m’a touché et éclairé par sa profondeur. Je voudrais vous la partager, en espérant qu’elle fera du bien, en faisant surmonter les passions sans, je l’espère, trop heurter.
Oui tout ceci est tragique, parce que la situation est tragique, indépendamment de la décision des autorités médicales ou judiciaires. Parler à son sujet d’euthanasie active, c’est déjà conclure. Car si cet homme n’est pas en fin de vie, on peut se demander, justement, si la fin de cette vie n’est pas déjà survenue. En effet doit-on parler d’un « état végétatif » ou d’une survie artificiellement maintenue ?
S’il s’agit d’une survie, que signifierait une demande de l’accompagner « jusqu’à la fin » alors que, avec nos moyens, il n y a pas de raison qu’il y ait une fin. S’agit-il de « laisser vivre » quelqu’un ou de le faire vivre ? Il ne s’agit pas de laisser quelqu’un mourir de faim ou de soif, puisque la sédation, et les soins palliatifs en général, ont pour but, entre autres, d’éviter les souffrances induites par cet état. Il s’agit en tout état de cause de l’inverse d’un abandon. Notre société doit être attentive la dignité de ses membres, y compris ou surtout les plus fragiles, mais c’est aussi au nom de cette dignité que, tout à fait sincèrement, certains demandent l’arrêt des soins.
Il serait choquant de balayer d’un revers de main la problématique du coût économique de ces soins, car il y a évidemment des choix financiers en santé publique. Dire que, ce faisant, on arrêterait les soins parce que l’on jugerait une vie « inutile » est hors de propos.
Dès lors, deux questions demeurent : peut-on accepter un euthanasie active ? Ma réponse est non. S’agit-il d’une euthanasie active ? Pour ce que je connais du dossier, très mal, je n’ai pas l’impression. Y a-t-il des démiurges dans cette affaire ? Je ne pense pas, ni du côté de ceux qui entretiendraient une vie artificiellement, ni du côté de ceux qui décideraient la fin de la partie. Il y a seulement des réponses qui relèvent de notre nature misérable à un problème existentiel.
L’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité sont-elles ici irréconciliables ? Je ne pense pas, mais la passion nous emporte. La passion est difficile à surmonter à ce sujet, mais n’est-ce pas le rôle de nos autorités morales, judiciaires, politiques et religieuses de le faire. Je ne pense pas qu’elles y soient parvenues.
En fin de compte, le tragique vient de notre démesure : démesure de nos moyens, qui ne fera que croitre, et démesure de leur utilisation irréfléchie, qui aboutit à des choix moraux irréconciliables si la passion l’emporte. Je pense que l’on ne peut s’en sortir que si l’on est dans l’acceptation du fait que la vie de Vincent Lambert n a été maintenue artificiellement que par l’action de l’homme et qu’elle ne pourra trouver une fin légitime que par l’arrêt de cette action de l’homme. Dans l’espérance et l’accompagnement de ses soignants et de ses proches.
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