Avec Foenkinos, il y a toujours une approche originale, presque une plaisanterie. C'est le cas dans ce roman, qui met en scène un universitaire en histoire de l’art qui plaque tout pour devenir gardien au musée d’Orsay, dans la salle d’exposition de Modigliani. C’est romantique et bouleversant : tout lâcher pour passer sa journée face au portrait de Jeanne Hébuterne, l’épouse du peintre, morte à 21 ans. Il s’est libéré de tout, Antoine Duris, a rendu son appartement lyonnais, démissionné de la fac, coupé les ponts avec la famille, jeté son téléphone portable… Il est vrai qu’il s’est aussi fait largué par Louise qui s’ennuyait après sept ans de vie commune… Alors, est-il en pleine dépression amoureuse ? On sent bien, par petites touches, qu’il y a autre chose. Mais là, je m’arrête je ne veux pas tout dire…
Ce n’est donc pas seulement une banale histoire d’amour. C’est en fait un drame, il y a des blessures profondes, mais aussi une vraie soif d’amour et les différents personnages s’enfoncent dans la tristesse quand ils n’aiment pas. Enfin, c’est surtout une profession de foi en la beauté. C’est l’art qui est au cœur de ce roman : l’art qui comble celui qui regarde, l’art qui transcende celui qui le pratique. Mais encore faut-il préserver cette petite étincelle d’énergie qui attise le regard : « La curiosité - écrit Foenkinos- délimite le monde des vivants et celui des ombres ». C’est vrai, il y a de la noirceur dans ce roman, de vrais drames malheureusement trop ordinaires qui viennent bouleverser des existences, notamment celle de la jeune Camille, morte à 18 ans. Tiens, Et Charlotte Salomon, la Charlotte du précédent livre de Foenkinos qui a reçu le Renaudot 2014, était morte à Auschwitz, aucun rapport avec le roman d’aujourd’hui, mais elle avait à peine 26 ans. Et si, d’une héroïne à l’autre, le sujet du peintre, c’était la vie fauchée trop tôt, la mort qui vient saisir une œuvre à peine ébauchée… Mystère !
Un roman poignant, une gravité qui fait froid dans le dos. Mais il y a l’art, n’oubliez pas. Et si on nous rebat les oreilles avec la citation de Dostoïevski, il y a une part de vrai quand même, et le roman de Foenkinos ne fait que le répéter avec force : « la beauté sauvera le monde ». Et pas seulement le monde : peut-être que la beauté peut nous sauver de l’échec amoureux, de la culpabilité, de l’inattention, du désespoir… Vous fermez le livre, les personnages vous habitent encore, et vous levez les yeux. En quête de beauté : il faut aller dans les musées.
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