C’est une histoire qui commence en 2014 avec un promeneur un soir en proche banlieue lyonnaise, très dense, près d’un immeuble en construction, qui entend chanter des Alytes, c’est-à-dire des Crapauds accoucheurs. Le chant de l’alyte est très facile à reconnaître, c’est une petite note de flûte de Pan, on l’entend assez souvent à la campagne. Sauf que là, on était donc en pleine ville. Les autres populations connues étaient à 10 ou 20 kilomètres, dans des parcs ou dans la campagne environnante. Et il y en avait au moins 20 ou 30, pas un tout seul. C’est une espèce qui a besoin de beaucoup d’insectes, des papillons de nuit à chasser et bien sûr des mares pour ses têtards. Au pied des immeubles, c’était presque incroyable. C’est comme, disons, découvrir qu’une vieille grange qu’on allait raser pour un lotissement est en fait une vieille chapelle avec des fresques du XIIe. Bien sûr les associations, en l’occurrence la LPO, ont été alertées et on s’est demandé d’où ils venaient et surtout que faire pour qu’ils survivent.
On ne sait pas tout. Ils étaient sans doute là depuis toujours. Cette parcelle n’avait jamais été bétonnée, donc on suppose que c’est le vestige de populations plus importantes qui a réussi à tenir par miracle dans un terrain vague. Et comme la chapelle, il a fallu les protéger. Parce que c’est la loi d’une part, mais aussi parce que c’est réellement une chose merveilleuse, il faut être là à les écouter, dans cet environnement de métropole moderne, pour s’en rendre compte. Alors, tout simplement, on les a mis en sûreté le long du chantier et on a créé le long des allées des petites mares avec des tas de pierres. Et ça marche puisqu’hier, 5 ans après cette découverte, j’en ai entendu chanter une bonne vingtaine.
Oui et non ! La morale de l’histoire, c’est que nos villes modernes bouleversent les milieux comme ils ne l’ont jamais été. Là où ces crapauds étaient à nos côtés depuis 2000 ans, ils allaient disparaître. La nature en ville, ça ne se fait pas tout seul. Ça nécessite d’être attentif à tout ce qui a survécu jusqu’à nous et d’en prendre soin jusqu’à leur refaire un habitat sur mesure. La nouveauté du monde moderne, depuis 1945, c’est qu’il est imperméable à la vie sauvage. La cohabitation qui se faisait sans y penser n’est plus possible, et pas seulement en ville d’ailleurs. La morale, c’est que la vie ne se maintient plus d’elle-même. On a besoin d’y faire attention, de contrarier nos plans et de l’intégrer. Sinon, on va créer un monde mort.
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