La modestie : telle pourrait être une nouvelle et bienfaisante devise pour notre République, comme pour chacun de nous. Nous qui confessons le Seigneur de la paix, puissions-nous participer du mouvement qui doit soutenir la paix sociale, indispensable aux épreuves à venir. Ce temps a exacerbé des difficultés, des soupçons, le mal de vivre de beaucoup, des douleurs, voire de la rancœur aussi. Ce n’est pas l’heure d’en rajouter mais bien d’être de modestes acteurs de liens, de cohésions, de reconnaissance. « La civilisation est un bien invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement », soulignait Antoine de Saint-Exupéry[1] dans un courrier terrible et vibrant.
Ce qui est attendu de nous, peut-être, c’est que nous soyons des « réparateurs de brèches ». « Tu rebâtiras les ruines anciennes, tu restaureras les fondations séculaires. On t’appellera : « Celui qui répare les brèches », « Celui qui remet en service les chemins. » Isaie, 58, 12. Réparer les brèches, ce n’est pas s’occuper de nos seuls proches ou même de nos églises, mais bien des liens qui nous unissent à tous. Du destin commun qui est le nôtre, abîmé par tant de drames et par cette épreuve collective, cette catastrophe.
Réparateur de brèche, ce n’est pas refaire comme avant. Vous connaissez peut-être le petit arpenteur de Jérusalem (Zacharie 2, 5). Il vient mesurer la ville pour sa reconstruction, sa largeur et sa longueur. Mais un ange lui fait comprendre que « Jérusalem doit rester une ville ouverte, à cause de la quantité d’hommes et de bétail qui la peupleront » (v.8) Une ville dont le Seigneur lui-même sera la gloire.
Alors ne soyons ni de simples petits arpenteurs, ni des prétentieux qui prétendraient bien fallacieusement faire table rase de la mémoire. Mais de ceux qui, modestement et opiniâtrement, avec tant d’autres réparent le tissu de l’humanité déchirée.
[1] Lettre du 30 juillet 1944, écrite la veille de sa mort, au large de Marseille.
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