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Sophie Béroud: "Le dialogue social est en panne"
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Sophie Béroud: "Le dialogue social est en panne"

RCF, le 3 avril 2018  -  Modifié le 1 février 2024
Sophie Béroud, politologue, analyse la situation actuelle des mobilisations sociales en France.
Sophie Béroud Sophie Béroud

Agents de la SNCF, des collectes d’ordures, étudiants… Différents secteurs se rassemblent contre les réformes menées par le gouvernement d’Edouard Philippe. Les mobilisations sociales s’enchaînent. Gabriel Attal, porte-parole de la République en Marche, a appelé à sortir de la "gréviculture", qui serait propre à la France. L’Hexagone aurait-il un rapport particulier à la grève ?

Selon Sophie Béroud, il s’agit là d’une "image récurrente qu’il faut relativiser". Il existe plusieurs indicateurs qui permettent de comparer le recours à la grève dans différents pays, afin de déterminer quelle place occupe la grève dans le système des relations professionnelles. Cependant, on ne peut pas comparer des choses n’ayant pas grand rapport, les systèmes différent selon les pays. Cette idée de "gréviculture" en France serait donc "un mythe".

La défense du service public

Les cheminots ne se mobilisent pas seulement contre la réforme visant à transformer le statut des nouveaux entrants. "Les organisations syndicales défendent une certaine vision du service public. C’est un attachement des agents de la SNCF à ce qu’ils ont construit. Les syndicats se sont d’ailleurs étonnés du taux de suivi de la grève !"

Ainsi, quelle idée du service public défendent les grévistes ? "Un service qui couvre l’ensemble du territoire, qui pense « usagers » davantage que « clients »… Les craintes portent sur la privatisation".

Les agents de la SNCF utilisent la grève perlée pour se faire entendre. "C’est une forme assez classique de grève reconductible, que l’on trouve dans l’industrie. La confrontation sera longue".

Convergences et différences

Les secteurs qui se mobilisent ont leurs revendications propres. Pour conduire à une généralisation du mouvement, il faut une convergence, rassembler les luttes. "Mais les salariés sont parfois un peu inquiets d’élargir trop vite, ils veulent d’abord faire reconnaître leurs demandes. Toutefois, dans ce contexte politique, un élargissement est envisageable". Une situation délicate cependant, si l’on prend en compte l’imminence des élections syndicales cette année.

Le dialogue social en panne

Sophie Béroud considère que le dialogue social ne fonctionne pas correctement. "Le discours des élites politiques est le suivant : il n’y a pas assez de dialogue social. On remarque tout de même qu’ici, l’ensemble des organisations syndicales a dénoncé un manque de négociation, qu’elles n’avaient pas été entendues. La concertation avant la mobilisation a été un échec".

La négociation en entreprise fonctionne plutôt bien : c’est à l’échelle nationale, interprofessionnelle, qu’elle laisse à désirer. Comment, alors, l’améliorer ? "Il faut reconnaître davantage la place des syndicats. Par exemple, les cheminots se sont concertés pour savoir comment ils envisageaient le changement de la SNCF, ils ne sont pas écoutés. Il faut se rendre compte qu’ils ne contestent pas seulement, ils proposent. Il faut co-élaborer les transformations".

Mai 68, une référence persistante

Sophie Béroud insiste sur le fait que Mai 68 demeure une « référence ». "Ce fut une période de politisation au sens noble du terme, une ouverture à toute une série de débats, de questions…" Une période qui demeure un horizon protestataire, un argument dans l’imaginaire revendicatif. "Chaque fois qu’a lieu une convergence entre un mouvement étudiant et un mouvement professionnel, la référence revient". Quant à la grève générale, elle constitue davantage un élément de rhétorique pour un discours syndical radical qu’une réalité.

Si l’on compare la situation actuelle à 1968 ou 1995, la configuration syndicale et politique est différente. "La mobilisation se construit autrement", explique Sophie Béroud. "Il faudra attendre la capacité du gouvernement à donner des signes d’ouverture".

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