C’est en avril 1986, le 14 avril 1986, que meurt Simone de Beauvoir.
Là est bien la question : la féministe empêche, de nos jours encore, qu’on lise Simone de Beauvoir comme philosophe. Ses analyses de la condition de la femme ont masqué et masquent encore ce qu’elle dit de la condition humaine. La femme parlant des femmes a éclipsé la philosophe parlant de l’humain. Nous voyons en Simone de Beauvoir une féministe, et pas une philosophe, une philosophe comme les autres, au même titre que les autres, au même titre que Sartre, Merleau-Ponty ou Ricoeur. A quoi est-ce dû ?
Sans doute. Mais sans doute aussi est-ce dû au fait qu’il y a peu de femmes philosophes. Et que lorsqu’une femme fait de la philosophie, on le précise, on précise qu’elle est une femme et qu’elle fait de la philosophie. Ou alors on lui accole une étiquette, une spécialité, un domaine de compétences, comme si la femme philosophe ne pouvait pas être philosophe tout court, comme s’il y avait une façon féminine de faire de la philosophie.
Je ne sais pas s’il y a une façon féminine de faire de la philosophie, mais il n’y a certainement pas des sujets faits pour les femmes, tandis que d’autres seraient réservés aux hommes. On a ainsi décrété que les femmes pouvaient plus facilement penser la
vulnérabilité de l’être humain, et y répondre. C’est la grande vogue du care, de l’idée de soin et d’empathie. Il n’y a pourtant aucune raison pour que les femmes comprennent mieux l’empathie que les hommes.
Je vais faire une confidence. Lorsque j’ai choisi mon sujet de thèse, pour mon doctorat en philosophie, un professeur m’a alors dit, sans aucune ironie ni humour : "Votre sujet, ce n’est pas un sujet pour une femme. Descartes, ce n’est pas un auteur pour une femme." Ce que Simone de Beauvoir devrait nous aider à comprendre, c’est qu’il n’y a pas de femme philosophe, il n’y a que des philosophes, hommes ou femmes, bons ou mauvais.
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