« Y a-t-il quelque chose dans ce que nous disons ? » : cette parole de Georges Steiner, écrivain, grand érudit et qui incarne l’humanisme européen, me poursuit en méditant sur la fête de Pentecôte.
Pour la tradition juive, sept semaines après la Pâque, se célèbre le don de la loi au mont Sinaï : la loi comme une moisson pour vivre de la liberté offerte par l’arrachement des esclavages de l’Égypte.
Pour Les chrétiens, cinquante jours après le matin du printemps de Pâques, une autre récolte est confirmée : la Parole n’a pas été retenue dans le tombeau. La mort n’était pas en mesure de garder les mots de la vie. Le Verbe entré dans le temps de l’histoire ne pouvait rejoindre le Père sans nous confier les mots qui relèvent, encouragent, émerveillent.
Voici la joie de Pentecôte : abondante comme les langues que parlent les femmes et les hommes qui cherchent le Dieu de toute paix. Les mots - mémoire vivante du Christ, sont à honorer, comme des personnes. Nous avons à les traiter avec délicatesse, afin qu’ils puissent se partager, s’offrir et faire sens.
Alors ? Y a-t-il quelque chose dans ce que nous disons ? Une œuvre de paix ou de guerre ? d’estime, d’affection ou de mensonge et de mépris ? de tristesse ou de rire ? Le vent créateur engendre le courage des paroles qui donnent force à des vies brisées par les fardeaux. Mots nouveaux car créés pour chaque rencontre, inédite toujours. Mots d’éternité car c’est dans le lexique du Dieu vivant que bat leur cœur.
Homme passionné d’unité, Yves Congar, grand théologien dominicain du Concile Vatican II, écrivit en 1984 « La parole et le souffle », ouvrage où il redit combien l’Esprit et le Christ sont intimement liés. Voici notre espérance : que nos voix respirent du Christ, lui qui inventa les mots pour celles et ceux qui espéraient, depuis leur nuit, un Dieu proche qui vienne à leur rencontre.
Ayons alors l’audace des mots neufs, quitte à prendre le risque de peut-être parfois nous tromper.
Non pour le goût puéril de la nouveauté, mais pour le soin des vivants, aujourd’hui, dans leurs histoires. Là où la liberté du souffle de Dieu est toujours à l’œuvre, là où la Parole souffle sur notre poussière et la transforme en être vivant.
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