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"Quand je danse, je danse"

RCF,  - Modifié le 26 février 2019
Chaque mardi retrouvez la chronique philosophie de Laurence Devillairs.
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Dans quelques jours, nous pourrons fêter la naissance de Montaigne, né le 28 février 1533. Tout est à lire, tout est à relire et à retenir dans ses Essais.
 
Vous avez bien un passage préféré, Laurence ?
 
Une affirmation préférée, oui, que je me répète souvent : "Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors".

Tout le génie de Montaigne se trouve dans ces quelques mots.
Qu’est-ce qu’ils signifient ? Que veut dire Montaigne ?
Qu’il faut vivre dans l’instant ? Que seul compte le présent ? Carpe diem et profitons de la vie ?
On pourrait le croire. Mais Montaigne est plus subtile que nos adages et nos mantras.
Il n’encourage pas à s’abandonner au moment présent, à s’y immerger totalement, à « lâcher prise » et à ne plus penser à rien.
Bien au contraire, il exhorte à la vigilance, au fait de redoubler ce qu’on vit par la conscience qu’on en prend.
A être attentif à ce qu’on fait : quand on danse, il ne faut pas faire autre chose que danser.
Le plaisir, dit Montaigne, il ne faut pas « l’écumer » mais le « sonder ».

Le temps trop court et irréversible de la vie s’en trouve profondément transformé : "Je veux, déclare encore Montaigne, arrêter la promptitude de la fuite [du temps] par la promptitude de ma prise". Il faut apprendre à vivre ce qu’on vit avec intensité et vigueur, à ne pas laisser passer les heures et les jours, sans rien en faire.
 
C’est la grande leçon de vie et de philosophie de Montaigne ?
 
Et cela demande de vivre comme on exerce un métier : avec application et savoir-faire. Ce n’est pas l’insouciance d’un Carpe diem, c’est une discipline, un art de vivre.
Ou plutôt un artisanat, pour qui sait modestement faire avec les moyens du bord, et ainsi transformer la vie quotidienne en un « grand et glorieux chef-d’œuvre », selon les mots mêmes de Montaigne.
Il faut « vivre à propos », dit-il, sans regret ni remords, mais en étant entièrement à ce qu’on fait. Alors, on comprend qu’il n’est rien "d’aussi beau et d’aussi légitime que de faire bien l’homme – ce sont ces mots – que de savoir bien et naturellement vivre cette vie".

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