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Psychiatrie : Dans les Pays de Savoie, l'impossible prise en charge des malades
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Psychiatrie : Dans les Pays de Savoie, l'impossible prise en charge des malades

Un article rédigé par Violaine Rey - RCF Haute-Savoie, le 26 mai 2023  -  Modifié le 17 janvier 2024

Une semaine après l'assassinat d'une infirmière psychiatrique, à Reims, le personnel soignant se mobilise, ce 30 mai 2023, à Chambéry, pour dénoncer la longue dégradation, dans l'indifférence générale, de l'état des services de santé mentale des Pays de Savoie.
 

Dans les Pays de Savoie, le temps d'attente jusqu'à prise en charge peut aller de 2 mois à 8 mois. Dans les Pays de Savoie, le temps d'attente jusqu'à prise en charge peut aller de 2 mois à 8 mois.

Comme dans tous les secteurs de la santé, les bras manquent

 

A échelle nationale, il manque 30 % de médecins dans les services de psychiatrie, un chiffre qui avoisine les 20 % dans les Pays de Savoie. Mais les postes à pourvoir sont nombreux, à tous les niveaux. "Il y a une vraie perte de sens" souffle Yvan Marguerie, aide soignant et délégué syndical CGT au Centre Hospitalier de Savoie.

Dans son service, le personnel court après le temps, tente comme il peut d'accompagner des malades en détresse. Jusqu'à l'épuisement : les arrêts-maladies se multiplient et nombreux sont ceux qui envisagent de quitter la France pour exercer en Suisse.

Parce qu'à la fatigue, s'ajoute la frustration de ne pas faire correctement son travail : "Certains malades restent des jours entiers en unité, car nous ne sommes pas assez nombreux pour leur faire faire une promenade dans le parc comme cela est pourtant prévu" explique Yvan Marguerie. 

 

Il y a une hausse du recours à l'isolement

 

Un constat que partage Céline Gékière, médecin psychiatre. "Il y a une hausse significative du recours à l'isolement et à la contention. Pourtant, on a un plan de lutte contre cela, mais on ne peut pas l'appliquer" regrette la spécialiste, qui estime pourtant que le covid a prouvé à quel point l'isolement pouvait être difficile pour l'être humain.

Mais ici, pas le choix, les solutions d'extrême-urgence ont peu à peu remplacé l'accompagnement personnalisé. "Pourtant, jusqu'en 1990/2000 il y avait un vrai développement de la prise en charge" se souvient Claire Gékière. Du haut de ses 35 années d'expérience, elle mesure, amère, la détérioration de l'état des services.

 

Des patients sous tension
 

Si le personnel est à bout, les patients aussi. Le travail à flux tendu, le manque de temps, fait monter la pression. "Les accidents de travail les plus fréquents sont pour "contact malades agités"" détaille le délégué syndical. "Pour désamorcer une peur, une angoisse, une colère, il faut se poser, parler avec le patient. Mais aujourd'hui, on traite la situation dans l'urgence, quand le malade a craqué" résume-t-il.

 

Et si les violences graves, voire mortelles, restent rares, le personnel note une hausse de l'agressivité verbale et physique. "Les sujets en psychiatrie sont plus souvent victimes de violences dans la société qu'auteurs de violences" tempère Claire Gékière. "Mais la prise en charge qui se dégrade augmente la tension entre les patients et les équipes, c'est un contexte propice à une forme de violence quotidienne" avoue-t-elle.

 

 

"75 lits fermés en 6 ans"
 

Outre les bras, les services de psychiatrie manquent de lits. Les patients peuvent attendre de longs mois avant d'être pris en charge. Entre temps, leur situation peut s'être dégradée : A la Roche sur Foron, 43 % des malades ont été accueillis à l'Etablissement Public de Santé Mentale en état de crise aigüe.

 

Mais une fois en unité, le long parcours des patients et de leur famille est loin d'être terminé, puisqu'ils peuvent être renvoyés à domicile pour "fermeture de lits". En juin, l'EPSM verra sa capacité d'accueil diminuer de moitié. A Bassens, 75 lits ont été fermés en 6 ans, soit 30 % de la structure. A Ville-la-Grand, c'est l'accueil de jour pour adolescent en crise qui s'apprête à fermer ses portes, deux ans après son ouverture.

 

Pour les patients, de retour chez eux, le travail est à recommencer. "On accompagne 250 familles et on fait de l'accueil 3 à 4 fois par semaine" explique Christophe Cézard, délégué UNAFAM 74. "C'est LE sujet principal. Les familles veulent faire hospitaliser leur enfant et elles n'y arrivent pas" déplore-t-il.

Des proches "premier rempart, première victime".

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