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Pour un Maastricht écologique

RCF,  -  Modifié le 7 mai 2018
Samedi 5 mai, la France a atteint le "jour du dépassement". Jean Merckaert nous rappelle qu'il existe des solutions techniques à la crise écologique. Quant aux volontés politiques...
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La nouvelle n’aura pas échappé aux auditeurs de RCF : la France a atteint, ce samedi, le "jour du dépassement". ​Autrement dit, si le monde entier vivait comme les Français, nous aurions déjà consommé l’ensemble des ressources naturelles que la planète peut renouveler en un an. Concrètement, pour se nourrir, se loger, se déplacer, etc. les Français ont, en moyenne, émis plus de CO2 en quatre mois à peine que les océans et les forêts ne sont capables d’en absorber en un an, ou encore, nous avons vidé les mers à un rythme bien supérieur au cycle de renouvellement des poissons (voir le rapport du WWF France et du Global Footprint Network).

Le WWF France, qui tire la sonnette d’alarme, parle d’une "dette écologique" insoutenable. Au point que selon son patron, Pascal Canfin, "si la planète était une entreprise, elle serait en faillite". L’idée n’est pas complètement nouvelle : le philosophe Patrick Viveret, par exemple, l'a souvent exposée dans la revue Projet [1]. Mais le constat reste frappant : "Si la planète était une entreprise, elle serait en faillite". J’aimerais m’arrêter là-dessus, pour formuler trois remarques, et une proposition.

Première remarque : la planète n’est pas une entreprise. Elle est, dit le pape François, "un mystère joyeux" à contempler (Laudato si', §21). Et le défi est probablement tout autant de renouveler notre capacité d’émerveillement, de donner à nos enfants l’occasion de renouer avec la nature – parce qu’"on ne protège que ce que l’on aime" [2], que de doter la planète d’un bilan comptable.

Deuxième remarque : nous vivons cependant dans un monde où ce qui n’est pas chiffré échappe aux radars des décideurs. Ce qui n’est pas compté, ne compte pas. C’est vrai dans les entreprises. C’est vrai dans les administrations. Alors, même si cela manque de poésie, doter la planète d’un bilan comptable, c’est déterminant pour éviter le dépôt de bilan écologique.

À ceci près, et c’est ma troisième remarque, qu’il y a dette et dette. Il y a celles que l’on peut refuser de payer – j’ai moi-même milité pour l’annulation de la dette des pays du Sud : ça ne fait pas plaisir à ceux qui avaient prêté, mais ils peuvent s’en remettre. Et il y a les dettes que l’on ne peut effacer. Les forêts primaires rasées ne repousseront pas, les espèces supprimées ont disparu à jamais. C’est la limite de la notion de "dette" quand on parle écologie : comme le dit un proverbe indien : "Quand l’homme blanc aura pollué la dernière rivière, pêché le dernier poisson, abattu le dernier arbre, il s’apercevra que l’argent n’est pas comestible !"

J’en viens à ma proposition [3] : si la dette écologique – et il faudrait parler aussi de la dette sociale – est beaucoup plus sérieuse que la dette financière, alors il nous faudrait des systèmes de rappel à l’ordre au moins aussi contraignant que ce qui existe pour le déficit budgétaire. Des critères de Maastricht écologiques, en quelque sorte. Par exemple, un budget carbone pour chaque État-membre de l’Union européenne – à charge pour cet État de le répartir équitablement entre ses citoyens, et à charge pour Bruxelles de nous taper sur les doigts si nous le dépassons. Techniquement, ce ne serait pas si difficile [4]. Politiquement, c’est une autre paire de manches. Mais ce 9 mai, ce sera la Journée de l’Europe. Peut-être l’occasion d’en débattre, non ?

 


[1] Patrick Viveret avance l’idée de "trois dettes", financière, écologique, et sociale.
[2] Dixit ­Anne-Caroline Prévot, écologue, chercheuse CNRS au Muséum d’histoire naturelle, en conclusion de ce récent article du Monde, "On a coupé les enfants de la nature".
[3] Le WWF a fait le choix de rappeler avec force que les solutions existent : encourager l’agriculture biologique, manger moins de viande et de poisson, favoriser le vélo, les énergies renouvelables, les bâtiments basse consommation, etc. Et ils ont raison, car annoncer une situation catastrophique sans indiquer la porte de sortie, c’est le meilleur moyen d’obtenir le statu quo – comme l’explique très bien Patrick Viveret, toujours lui. Mais ce menu d’options nous permet-il de ne pas atteindre le jour du dépassement avant le 31 décembre ? Il nous semble qu’il faut commencer par fixer les limites.
[4] Voir par exemple : â€‹l'article de la revue Projet, "Quand le Royaume-Uni songeait à rationner les émissions" [01/02/2016].

 

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