Un renforcement certain de la prise de conscience des abus sexuels au sein de l’Eglise depuis quelques années : c’est ce que constate le P. Stéphane Joulain, qui travaille depuis une quinzaine d’années sur la question de la pédophilie.
Il préconise, avant toute chose, une écoute pleine et entière des victimes. Ecouter leurs souffrances, mais aussi écouter leurs besoins, afin de ne pas apporter de réponse qui ne soit pas adaptée, qui soit maladroite. « Il faut mettre les victimes à la première place de tout travail de lutte. »
Par conséquent, il est nécessaire de former des personnes à cette écoute, et ce, au sein de chaque diocèse, afin de proposer un accueil humain aux victimes, et non un simple numéro de téléphone dépersonnalisé. De plus, une réponse nationale au niveau de la Conférence épiscopale est attendue. « Il est important de montrer aux gens que l’Eglise est en mouvement. »
Le P. Stéphane Joulain propose trois formes complémentaires d’action pour faire reculer la pédophilie dans l’Eglise. Premièrement, la prévention : « Il faut d’abord travailler sur les personnels mis au contact des enfants, s’assurer que les prêtres, diacres, sont des personnes sûres. Certes, il n’y a pas de garantie à 100%, mais on doit s’assurer que ce sont des gens psychologiquement équilibrés, qui ont du maturité sexuelle et affective suffisante, et qu’ils sont supervisés. » Parallèlement, les lieux où sont les enfants doivent être ouverts, les prêtres ne doivent pas se retrouver seuls avec un adulte.
En second lieu, il est absolument nécessaire d’intervenir si la situation l’exige.
Enfin, pour le P. Stéphane Joulain, il faut bien entendu éduquer : « former les futurs prêtres pour se donner les moyens d’avoir des ministères éthiques. Former les communautés chrétiennes à ne plus tout accepter d’un prêtre. »
Que fait-on d’un curé condamné, dont il a été prouvé qu’il a commis des abus ? Il est difficile de se désolidariser, même si les plus jeunes retournent à la vie non-cléricale. « Il importe que ces personnes ne soient plus au contact des enfants. On doit les garder à l’œil. Sinon, quel service c’est rendre à la société ? Si les délinquants sexuels sont abandonnés, il est courant qu’ils cherchent des compensations. »
Le P. Stéphane Joulain insiste : on ne peut travailler autrement qu’avec les victimes pour trouver des réponses mûries. « Il faut cesser la position d’enseignement et se mettre en position d’apprentissage. On doit renforcer la réflexion théologique pratique, à partir de l’expérience des victimes et non de la chaire doctrinale. »
« Il ne sert à rien de faire du baratin théologique », explique Stéphane Joulain. Que répondre à une victime qui demande où était Dieu à cemoment-là ? « Jésus était avec toi et souffrait sur sa croix ? Non. On doit dire, je ne sais pas, mais je vais chercher avec toi. » Un travail très patient qui permet d’éviter « le fast-food de la réparation. »
« Les abus sexuels commis par un prêtre attaquent la confiance liée au divin, à la vie spirituelle des gens, là où l’on place normalement l’espoir. » L’âme de la victime ressemble alors à une « scène post-tsunami », déplore le P. Joulain.
Est-il possible, alors, de pardonner ? « C’est à la victime de le faire ! Et cela, personne ne peut le lui imposer. »
Ce soir, le P. Stéphane Joulain participera à un débat sur France 3 après la diffusion du documentaire « Pédophilie, un silence de cathédrale ». Un documentaire, qui, selon le P. Joulain, « met en lumière la difficulté des victimes à se faire entendre par l’Eglise. »
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