Penser, panser
Parfois, des mots s’associent spontanément quand ils se ressemblent et c’est ainsi que prononcer « p(a)(e)nser » en ce moment, c’est ne pas savoir comment l’orthographier, avec un a, ou avec un e, tant dans le fond il faut penser, avec un e, à panser, avec un a, toutes celles et ceux qui ont souffert du coronavirus,. Et en fait associer les deux mots est plus pertinent qu’on ne le croit si on s’intéresse à leur origine…
Même si évidemment, entre le fait de panser un animal ou un blessé, et le fait de penser à l’avenir de l’humanité au sommet d’une montagne, il ne semble pas qu’il y ait un lien évident ! On va donc commencer par le fait de penser, avec un e. Ce verbe qui décrit l’activité du cerveau, de l’esprit, et qui consiste à peser le pour et le contre, à peser ses mots, à sous-peser ses idées, vient du latin pendere, repris en bas latin sous la forme pensare et qui a signifié au départ en latin « peser », et vous avez compris pourquoi j’insistais lourdement sur le fait de peser ses arguments, de peser ses mots. C’est bien en effet cette idée, cette image qui est à l’origine du mot « penser ». En fait « peser » et « penser » ont la même origine, l’un au sens propre, l’autre au sens figuré. Alors passons maintenant au verbe panser. On pourrait dire si on lit trop vite qu’il ne se trouve pas dans notre premier dictionnaire monolingue, français-français et non plus français-latin, celui de Richelet. C’est qu’en fait Richelet avait choisi de l’écrire « pancer » avec un c. Que nous en dit-il d’ailleurs ? « Ce mot se dit des chevaux, c’est étriller, nettoyer et avoir soin des chevaux », mais c’est aussi ajoute-t-il plus loin, un terme de chirurgie, « accommoder une plaie, y faire & y appliquer les choses nécessaires ». Il y avait d’ailleurs à l’époque une expression familière disparue aujourd’hui qui était « Allez vous faire pancer » se disant par mépris pour marquer qu’on n’a que faire de quelqu’un..
En fait panser avec un a, est passé par le fait de penser à quelqu’un, à un animal, c’est-à-dire à « prendre soin » de lui, un sens attesté en 1190. Et de là est venu aussi le pansement. Comment les verbicrucistes le font-ils deviner. « Gardiens de la plaie ». Et bien je vais ajouter que les penseurs pourraient être les « gardiens de la paix ». Après tout, à nous aussi de créer des définitions de mots croisés. Nom d’un panseur, avec un a ou un e.
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