Partager, parler, sans crainte

Longue conversation avec une amie. Croyante. Engagée dans l’Église. En famille, ils ont toujours essayé de transmettre à leurs enfants le plus essentiel de leur foi, du sens de l’existence. Mais aujourd’hui cette personne est fatiguée, triste. Elle ne sait plus à quel saint se vouer.

Elle ne voit plus ce qu’elle pourrait faire. Une de leurs enfants se drogue et fugue régulièrement. Police, commissariat, urgence, exclusion temporaire du lycée… Tout coup de téléphone tardif sonne comme une menace imminente. Ils sont tous deux engagés depuis très longtemps dans des mouvements de partage de vie.

Mais voilà, il est des choses qu’il ne faut pas dire, car une image tombe, un modèle se fissure. Alors des amis s’éloignent, d’autres n’en pensent pas moins et trouvent mille prétextes : "tu sais nos enfants sont fragiles, ta fille, bien sûr elle est adorable, mais ils sont si influençables à cet âge, nos ados…" Et quand vous espérez du soutien, voilà une leçon de morale qui survient : "moi, à ta place,  j’aurais fait de cette façon…"
 
Un fossé se creuse. Mais alors que partageons-nous dans nos réunions d’équipe, de fraternité ? Qu’est-ce qui nous anime véritablement ensemble ? Peut-on dire notre épuisement, nos questions sans réponse ? Nos peurs ? Ou tout cela inquiète-t-il de trop ? Faut-il des existences d’apparence lisses ? Réussies selon des normes implicites ? Des convenances auraient-elles pris le dessus sur la vérité de l’humanité et de l’Évangile ? Christ est venu pour les malades, pour ceux qui s’inquiètent et s’interrogent. Les bonnes questions de Job à ses amis - croyants - sont toujours d’actualité. Eux qui lui suggéraient d’avouer ses péchés pour être guéris de tous ses malheurs. Mais Job eut raison contre tous.
 
Nous sommes tous dans la même barque, celle de l’humanité précaire, cassée. Notre vie ensemble est là  pour recueillir chaque histoire par temps calme comme par temps de chien. Pour lui offrir une dignité au-delà de toute respectabilité : celle du Christ, pauvre et sauveur. Et pour partager, à temps comme à contretemps son amitié.