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Nous devrions apprendre à nos enfants à construire leurs propres révoltes

RCF,  - Modifié le 9 octobre 2019
Laisser les enfants s'indigner, c'est aussi leur apprendre à construire leurs arguments

Cela me titille depuis quelques temps, depuis que l'on s'indigne de la révolte d'une adolescente (je parle de Greta Thunberg) et de l'écho qu'elle a auprès d'autres adolescents dans le monde entier.  Ça me titille depuis que le débat sur la PMA rouvre l'indignation réciproque des "pour" face aux arguments des "contre" et des "contre" face aux arguments des "pour". Ça me titille d'autant plus, qu'il y a des scouts et guides de France dans tous ces combats et que leur révolte est une fierté, même quand je ne suis pas d'accord avec eux.

Ce qui me titille ? Notre société  qui s'indigne au lieu de débattre, qui cherche à tout prix à édicter des lignes claires, des positions noires ou blanches, pas de demi-mesure, pas de nuances. Cela va même parfois bien au-delà, au lieu d’aider chaque citoyen à penser, à réfléchir, à se construire une opinion, un avis éclairé, on lui dit quoi penser - et surtout quoi ne pas penser. On lui dit qu' il a tort, qu'il est mauvais, irrespectueux, qu'il ne se rend pas compte de la gravité de ce qu'il pense. Cela me titille oui, parce que, quel que soit le sujet qui fait débat, c’est bien de débats et de saines confrontations dont nous manquons cruellement.

Comment permettre de saines confrontations ?

 
Nous devrions apprendre à nos enfants à  construire leurs propres révoltes, même et surtout quand nous ne les partageons pas. Nous devrions les éduquer à comprendre la complexité du monde,  à penser par eux-mêmes, à se construire des opinions et des idées  à défendre. Même contraires aux nôtres. C’est alors que l’empathie, littéralement « la faculté de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent » ouvrirait des espaces de dialogue totalement différents ! Nos enfants ne peuvent se construire comme citoyen que dans un monde qui accepte qu’ils pensent différemment les uns des autres et que la lutte, c’est une lutte de paroles argumentées qui respectent l’autre, dans sa propre histoire, sa propre vision.

Pendant des années j’ai vécu avec la citation suivante en signature de mail « Le dialogue n’est possible que si j’accepte l’idée que l’autre est peut-être porteur d’une vérité qui me manque » comme mon jiminy cricket à moi. Parce qu’on est d’accord, c’est un exercice super dur, exigeant, cela vient nous chercher dans nos trippes quand on pense avoir tellement raison.
 
Sauf que ça n’est pas une question de tort ou de raison, et c’est pour ça que notre société a besoin que chacun puisse porter ses convictions et ses révoltes. C’est sain qu’une société laisse s’exprimer toutes les divergences, parce qu’il est sain de s’avoir s’indigner. Et même si je ne suis pas d’accord avec tous ceux qui m’entourent, même si je pense différemment, même si j’enrage de perdre certains combats, je suis heureuse de voir des jeunes, choisir de défendre ce qui leur semble juste. Jean-Paul II les exhortait en 2002 lors des JMJ de Toronto à être des bâtisseurs parce qu’ils étaient les hommes et les femmes de demain et que dans leur cœur et leurs mains était contenu l’avenir. Ce sont des hommes et des femmes debout que nous éduquons, des citoyens engagés dans un monde que nous même appréhendons difficilement, leur engagement, c’est notre levain pour demain.
 
C’est Stéphane Hessel qui restera avec moi ce matin en vous quittant :

« L’engagement c’est ce qui rend à l’homme tout son épanouissement possible. Se désengager c’est renoncer à quelque chose qui est prodigieusement porteur. Ecoute tes indignations, regarde ce qui te tient le plus à cœur, va là où tu éprouves une émotion. Et tu auras une vie intéressante. »

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