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Moines de Tibhirine : le témoignage de vies déjà données

Moines de Tibhirine : le témoignage de vies déjà données

RCF, le 7 décembre 2018 - Modifié le 30 octobre 2025
Le Temps de le direMoines de Tibhirine : le témoignage de vies déjà données

Parmi les 19 religieux et religieuses béatifiés le samedi 8 décembre 2018 figurent sept moines du monastère de Tibhirine. Leur témoignage est avant tout celui de la fidélité au peuple algérien.

Monastère de Tibhirine vu des champs ©Wikimedia commonsMonastère de Tibhirine vu des champs ©Wikimedia commons

Dix-neuf martyrs de l'Église d'Algérie sont béatifiés le 8 décembre 2018 à Oran. Mgr Pierre Claverie, les moines de Tibhirine et les 11 autres religieux béatifiés avaient fait le choix de rester fidèles à l'Église d'Algérie et à leurs amis et voisins algériens en dépit des risques encourus dans une décennie 90 marquée par la violence. RCF met en place une programmation spéciale à l'occasion de cet événement.

Ils ne désiraient pas mourir mais considéraient que s'il arrivait quelque chose, ce serait l'aboutissement normal du don qu'ils avaient fait

En ce samedi 8 décembre, solennité de l'Immaculée conception, l’Église d'Algérie et plus largement l'Église universelle, célèbre la béatification de 19 religieux et religieuses. Des hommes et des femmes qui se sont donnés sans compter par amour de Dieu à leurs frères et sœurs algériens et algériennes. Parmi eux, les sept moines de Tibhirine : Christian, Luc, Célestin, Michel, Christophe, Paul et Bruno. Des cisterciens-trappistes qui vivaient à l'abbaye Notre-Dame de l'Atlas et qui ont été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996.

Avant de mourir tués par des fanatiques les 19 martyrs d'Algérie avaient déjà donné leurs vies. Ce martyre, ils ne le cherchaient pas en tant que tel. Leur but était avant tout de vivre l'amitié avec le peuple algérien. Cette amitié les à conduits à vivre l'amour jusqu'à l'extrême à la suite de Jésus qui nous rappelle qu'il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Leur témoignage est l'aboutissement du don patient de leurs existences cachées et discrètes dont l’humble force est paradoxalement révélée par leur martyr.

Tibhirine, un monastère en Algérie

L'histoire du monastère de Tibhirine est liée à celle, complexe, des relations entre la France et l'Algérie. Un premier monastère trappiste a vu le jour dès les débuts de la colonisation en 1843, il a ensuite été fermé en 1905. Durant cette période de 1843 à 1905 le monastère est clairement "au service de la colonisation", comme le souligne le Père Veilleux. 

"Tibhirine n'est pas un monastère qui a été fondé dans un village, c'est un village qui est né autour du monastère, à cause des relations que les moines ont établies avec la population locale", rappelle le P. Veilleux. En 1938, des moines slovènes s'installent à Tibhirine. Cette fois la configuration est extrêmement différente. '"s arrivaient comme des pauvres, explique l'abbé émérite de Scourmont, comme des réfugiés qui venaient vivre au milieu de la population et non pas comme des colonisateurs."
Christine Ray nous rappelle comment 'la grande personnalité du cardinal Léon-Étienne Duval' (1903-1996) c'est révélée alors, lorsque celui-ci a "clairement inscrit l'Église d'Algérie au service du pays et non pas liée à la colonisation".

Quand les moines ont décidé de rester

Deux mois avant leur enlèvement, le Père Armand Veilleux a rencontré les moines de Tibhirine. Il a été témoin de leur prise de décision de rester, il a surtout pu percevoir les difficultés qu'ils traversaient. "Dans le film de Xavier Beauvois, "Des hommes et des dieux", on voit un processus de discernement qui arrive à une décision commune : en fait, ce processus de discernement, ils l'ont fait sept ou huit fois durant les trois ans, chaque fois qu'il y avait une nouvelle situation, un nouveau danger."

Les trappistes ont reçu une première menace des djihadistes à Noël 1993. Et comme le rappelle Mireille Duteil, qui vient de publier Les martyrs de Tibhirine - L'histoire d'un drame politico-religieux (éd. Salvator), la majorité des moines voulait partir. Peu à peu, en dialoguant avec Mgr Henri Tessier, en discernant avec l'aide de leur communauté, ils se sont dit qu'ils ne pouvaient pas abandonner les villageois. "Ils n'ont pas examiné la situation tout seuls comme semble le montrer le film, précise le P. Veilleux, ils l'ont toujours fait en communion avec l'Église locale."

À deux reprises, le Frère Christian de Chergé a demandé à Mgr Tessier d'interroger chacun des frères individuellement pour s'assurer qu'ils étaient libres dans leur choix. "Christian de Chergé avait aussi demandé à l'abbé général de venir lui-même ou d'envoyer quelqu'un pour revoir ensemble des décisions qu'ils avaient prises dans les trois années de crise." C'est à ce moment-là que le Père Veilleux s'est rendu sur place. Pour lui "c'était évident : aucun d'entre eux ne voulait remettre en question leur décision de rester".

Le don, sens de la vie monastique

Dans son testament publié par La Croix au moment de la mort des moines, Fr. Christian de Chergé écrit ces lignes : "S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays."

Dans la dernière circulaire que les moines de Tibhirine ont envoyée aux membres de leur ordre, 'ils parlent du danger qui existe, ils espèrent rester vivants, ils ne désiraient pas mourir", raconte le Père Veilleux. Il ajoute : "Ils parlent aussi de leur don par la profession monastique, ils disent : "s'il arrivait quelque chose à l'un d'entre nous ou à nous tous ensemble, ce ne serait que l'aboutissement normal du don que nous avons fait."

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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