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Mgr Mirkis: "il faut des gestes forts pour que les gens dépassent leurs blessures"

RCF,  - Modifié le 18 avril 2017
Florence Gault a rencontré Mgr Youssef Thomas Mirkis, l'archevêque chaldéen de Kirkouk, en Irak, lors des célébrations de Pâques.

La célébration de Pâques a pris un sens tout particulier pour les chrétiens d’Irak, qui pour beaucoup, dans la nuit dans la nuit du 5 au 6 août 2014, ont dû prendre la route de l’exode face à l’arrivée des soldats de l’organisation Etat islamique. Des chrétiens qui près de trois ans après l’occupation de leurs terres ancestrales par Daech s’apprêtent à rentrer chez eux.

La libération des villages leur permet de commencer à envisager l’avenir. Un avenir plus qu’incertain, et qui fait peur. Notre envoyée spéciale, Florence Gault, a rencontré Mgr Youssef Thomas Mirkis, l’archevêque chaldéen de Kirkouk. Il revient sur la célébration de Pâques, sur place.

"L'invicibilité de Daesh est derrière nous"

"C’est un peu l’aurore de l’espoir. On voit que l’invincibilité de Daesh est derrière nous. Leurs jours sont comptés. Ils vont essayer de faire du grabuge, ils sont fait beaucoup de mal, mais ce qu’on va découvrir est au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. Ce sont vraiment les portes de l’enfer qui se sont déversées sur nous" explique-t-il.

La libération de villes et de villages chrétiens a représenté dans un premier temps un véritable espoir pour de nombreuses personnes. Il y a eu ensuite une sorte de choc psychologique et émotionnel lorsque les gens sont rentrés dans les villages. Un moment très difficile pour de nombreux chrétiens qui a amoindri cet espoir tant attendu de la libération. "Les gens n’imaginaient pas tant de destruction. On est devant une bifurcation dans notre histoire. Les gens doivent faire avec ce qu’ils ont. Mais l’important c’est que ces gens soient sains et saufs" rappelle Mgr Mirkis.

Les questions de la reconstruction, du vivre-ensemble préoccupent réellement les chrétiens d’Irak. "Je crois qu’il faudra que nous tous acceptions de parler ensemble. Il y a un problème de parole qui n’a pas été développé en Irak. Aujourd’hui il faudrait pouvoir s’exprimer. Faire des films, des poésies. Tous les peuples ont connu cette parole qui libère" lance-t-il encore.

"J'ai vu le Christ dans ces gens-là"
Selon des témoignages recueillis sur place par notre envoyée spéciale, certains chrétiens ont peur de retourner vivre dans leur village aux côtés des musulmans. "Je comprends cette inquiétude. Mais je crois que les musulmans d’avant Daesh ne sont pas les mêmes qu’après Daesh. Ils ont été bernés. Ce sont eux qui ont payé la note la plus forte des exactions de Daesh. Beaucoup de gens regrettent d’avoir ouvert la porte à ces criminels » analyse l'archevêque chaldéen de Kirkouk.

Dans cette reconstruction de la confiance, la place de l’Eglise est évidemment très forte. "Nous avons commencé il y a trois ans par ouvrir des maisons d’accueil pour les musulmans, les chrétiens, les yézidis. Des maisons pour les étudiants. Une sorte de petit laboratoire, de véritables oasis de paix où on découvre l’autre au-delà des préjugés" rappelle le prélat.

"Je suis le premier évêque qui ait traversé le Tigre pour aller à la rencontre des quartiers de Mossoul qui sont encore sous les bombardements. J’ai voulu aller dire aux gens de Mossoul que nous ne gardons pas de rancunes. J’ai emmené des denrées alimentaires et des médicaments. C’était très important d’être médiatisé afin que tout le monde sache. Il faut poser des gestes pour que les gens dépassent leurs blessures et leur ressentiment. J’ai vu le Christ dans ces gens-là, dans le besoin" conclut Mgr Mirkis.

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