Menace de sécession au Crédit Mutuel
Le Crédit Mutuel, cinquième banque française avec plus de 28 millions de clients, 82.000 salariés en France et à l'étranger, est sous la menace d’une sécession. Après des années de contentieux judiciaires qu'il a souvent provoqués et perdus, le Crédit Mutuel Arkéa, qui unit les fédérations de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif central, a enclenché début janvier sa sortie du groupe mutualiste.
Le conflit a pris au fil des mois des allures de guerre de tranchée, avec force noms d'oiseaux : « putsch », « manipulation », « mafia », « dictature » et même « barbouzes »… Jusqu’à arriver devant les tribunaux pénaux.
Cette situation résulte d’une évolution historique. Le Crédit Mutuel a vu le jour en 1882 en Alsace, alors allemande, sur le modèle bancaire coopératif conçu par l'Allemand Frédéric-Guillaume Raiffeisen. Loin du modèle capitaliste, ce type de banque appartient à certains clients, les sociétaires, qui sont étroitement associés à certaines décisions. Le but était de répondre aux besoins des paysans, victimes de l'usure. Ce modèle s’est exporté quelques décennies plus tard dans une Bretagne agricole et teintée de catholicisme social. Et progressivement dans une bonne partie de la France. Chacun poussait de son côté, jaloux de son particularisme.
Mais dès les années 80, le métier de la banque s’est en quelque sorte « industrialisé », notamment du fait de l’informatique, tandis que les autorités cherchaient à favoriser des établissements solides financièrement. Peu à peu, la principale fédération, celle de Strasbourg, dirigée par une personnalité forte, Michel Lucas, a pris le pas sur les autres et pris le pouvoir à la confédération nationale. En 2007, le Crédit mutuel de Bretagne a embauché un inspecteur des finances breton, Jean Pierre Denis, ancien conseiller de Jacques Chirac à l’Elysée, qui a peu à peu engagé Arkéa sur la voie de l’indépendance en multipliant les acquisitions.
La confrontation était inévitable. Le remplacement en 2016 de Michel Lucas par un autre inspecteur des finances, Nicolas Théry, ancien conseiller de Nicole Notat à la CFDT, n’a pas changé la donne. Surfant notamment sur la vague des bonnets rouges, Jean Pierre Denis a mobilisé les Bretons. Le 18 avril, près de 95% des caisses locales d’Arkéa ont voté en faveur de la sécession.
Les conséquences d'une telle opération pour les clients d'Arkéa sont difficiles à évaluer. 468 agences perdront la marque Crédit Mutuel, très appréciée des clients. Et la confédération nationale pourra lui faire concurrence sur son terrain en ouvrant des agences sous l’enseigne CMB, le Crédit mutuel de Bretagne. Il lui faudra aussi les rassurer sur sa solidité financière. Les autorités bancaires françaises et européennes ont spectaculairement mis en garde en début de semaine Arkéa contre les « fortes incertitudes » que ferait courir une « désaffiliation unilatérale » d’une confédération sept fois plus grosse que lui. On ne saurait être plus clair.
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