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RCF Même frappés par la crise, les avocats d'Angers ne sont pas prêts à changer de métier
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Même frappés par la crise, les avocats d'Angers ne sont pas prêts à changer de métier

Un article rédigé par Marion Bastit - RCF Anjou - RCF Anjou,  -  Modifié le 28 avril 2020
Faute d'audiences depuis six semaines, les avocats sont à la peine. Au niveau national, un quart d'entre eux penserait même à changer de métier. Ce n'est pas le cas des avocats d'Angers.
RCF Anjou - Entre le confinement et la grève des avocats, il n'y a eu qu'un mois d'audiences depuis début 2020 au Tribunal judiciaire d'Angers. RCF Anjou - Entre le confinement et la grève des avocats, il n'y a eu qu'un mois d'audiences depuis début 2020 au Tribunal judiciaire d'Angers.

Les avocats sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire liée au Covid-19. Depuis six semaines, presque toutes les audiences ont été suspendues. Seules les affaires urgentes peuvent être jugées, notamment dans les cas de violences conjugales ou de protection de l’enfance.

Les cabinets des avocats sont donc presque à l’arrêt, mais la plupart d’entre eux étant indépendants, ils n’ont pas le droit aux mesures de chômage partiel. Selon une enquête du Conseil national des barreaux, 30 % des avocats seraient en grande difficulté financière. Un avocat sur quatre penserait même à changer de métier ! Mais au barreau d’Angers, les jeunes avocats, pourtant les plus précaires, n’en sont pas encore là.

Conseils gratuits par téléphone

Avocate depuis cinq ans, Maître Manila Chanthalangsy plaide une quarantaine d’affaires par mois en temps normal, en droit pénal et en droit de la famille. Mais depuis début avril, elle n’a plaidé qu’une fois, dans une affaire urgente.

En attendant la reprise des audiences, elle continue à travailler depuis chez elle. Elle conseille ses clients par téléphone, mais gratuitement. « Tout notre travail de fond, avec des dossiers déjà lancés, des procédures en cours, on ne va pas le facturer en plus, parce qu’on fonctionne au forfait », explique-t-elle.

Avec le confinement, les problèmes liés au respect du droit de visite des parents séparés se sont multipliés, et l’avocate ne manque pas de travail. « On intervient auprès de l’avocat de la partie adverse pour échanger afin de trouver des solutions, raconte-t-elle. Ça on ne le facture pas, mais ça nous prend du temps. »

Pas de paiement avant l'audience

Quant aux clients qui ne paient pas car ils bénéficient de l’aide juridictionnelle, l’Etat ne paie l’avocat qu’une fois l’audience passée. « On est dans une situation assez anxiogène, dans une incertitude totale, puisqu’on ne sait pas quand on pourra plaider nos dossiers, et in fine être payés par une contribution de l’Etat. »

L’enjeu est de taille : l’aide juridictionnelle représente 40 % du chiffre d’affaires de cette jeune avocate. Malgré la suspension de ses cotisations sociales et du loyer de son cabinet en mars et en avril, Maître Chanthalangsy pioche dans sa trésorerie pour se verser un salaire de 800 euros par mois, contre 1 500 d’habitude.

Pourtant, elle n’a pas l’intention de changer de métier. « Je n’en suis pas à ce point-là pour le moment, assure-t-elle. Je pense qu’il ne faut pas prendre de décision hâtive. Après, tout dépend de la raison pour laquelle on a embrassé cette profession… Après, il ne faut pas se leurrer. Si économiquement ça ne suit pas, j’y penserai peut-être. Mais pour l’instant, ce n’est pas du tout à l’ordre du jour. »

70 % de chiffre d'affaires en moins

Avocat depuis six ans, Maître Wissam Malahoui n’a plaidé que deux fois depuis le 17 mars, dans des audiences en visioconférence, et n’a ouvert que trois nouveaux dossiers, des clients venus à lui « par le bouche-à-oreille », qu’il conseille par mail et par téléphone.

« Je suis à 10 % de mon activité normale, estime-t-il. Je pense avoir perdu plus de 70 % de mon chiffre d’affaires sur le mois d’avril. » Pour le moment, il pioche dans ses réserves et se serre la ceinture, mais ne veut pas renoncer au métier d’avocat.

« C’est une vraie vocation, donc je n’ai pas envie d’arrêter mon métier, confie-t-il. On n’est pas avocat par hasard, ça je n’y crois pas. Après, si les difficultés économiques devaient se poursuivre dans le temps, à échéance de trois ou quatre mois, donc on est vraiment à court terme, ça remettrait en question mon activité. »

Pas de retour à la normale avant septembre

D’autant que le confinement arrive après six semaines de grève dure des avocats contre la réforme des retraites, en janvier-février. Depuis le début de l’année, il n’y a eu qu’à peine un mois d’audiences au Tribunal judiciaire d’Angers.

Les avocats devraient bientôt en savoir plus sur les modalités de la reprise des audiences, mais le bâtonnier du barreau d’Angers craint qu’il n’y ait pas de retour à la normale avant le mois de septembre au mieux. Le barreau a mis en place un fonds d’aide sociale pour les avocats les plus en difficulté.
Ecouter le reportage :

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