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Ma journée à bord d’un coquillier au large de Belle-Ile-en-Mer

Ma journée à bord d’un coquillier au large de Belle-Ile-en-Mer

Un article rédigé par Claire le Parc - RCF Sud Bretagne, le 13 décembre 2022  -  Modifié le 13 décembre 2022
Magazine Une journée à bord d'un coquiller au large de Belle-Ile-en-Mer

Elles font le bonheur des gourmands pour les fêtes de fin d'année. Les coquilles Saint-Jacques sont de retour sur les étals. Dans le Morbihan, la campagne a été lancée fin octobre dans les premiers gisements. Les bateaux ont jusqu'au 30 mars pour pêcher la coquille. Pour protéger la biomasse, en berne à cause des poulpes ou des étoiles de mer, la profession doit s'adapter à des conditions très strictes, des temps de collecte limités notamment. Pour comprendre le quotidien des coquilliers, j’ai suivi une journée de pêche. Récit.

 

Serge le Franc et son matelot Vincent à bord du Cassiopée Serge le Franc et son matelot Vincent à bord du Cassiopée

Il est 7h15. Port-Haliguen n’est pas encore éveillé. Le claquement des drisses est le seul bruit qui accompagne mes pas. Emmitouflée de la tête au pied pour affronter le froid, je patiente. Ce matin-là j'ai rendez-vous sur le quai avec Serge le Franc et son matelot Vincent. Les deux hommes ont accepté que je les suive pour cette nouvelle journée de pêche. Mon but : comprendre le quotidien des coquilliers.

Très vite, un camion s’approche. Et je comprends qu'il n'y a pas de temps à perdre. Il faut décharger les caisses, préparer le bateau… Son nom ? Le Cassiopée. Face à mon enthousiasme, le patron, Serge le Franc, me prévient : cela va secouer. Un cachet plus tard, me voilà prête à embarquer.

Au bout de quelques minutes, le navire quitte Quiberon. Direction Belle-Ile-en-Mer, environ 2h15 de navigation. L’objectif est clair : être prêt sur la zone de pêche à 10h tapante. « Nous avons le temps », sourit le patron. L’équipage a vu large… Ne pas aller trop vite lui permet notamment d'économiser un peu de carburant. « On s’adapte comme on peut. »

Dans la cabine, je découvre différents équipements. Les ordinateurs, les tableaux de bord… Sur un écran, des lignes de couleurs. J’interroge Serge le Franc. Il s’agit des tracés des précédentes pêches.

 

Un métier passion
 

Mes yeux curieux parcourent les lieux et un autre détail attire mon attention… Il n’y a pas de toilettes à bord ! L’information semble anecdotique, mais pose la question de la féminisation du métier. Rapidement, l'échange se crée. Serge le Franc est un passionné, heureux de parler de son métier. Une profession qu’il a dans le sang, lui, fils et petit-fils de pêcheur… Sa fille semble d’ailleurs vouloir suivre le même chemin. La fierté du papa est palpable et touchante.

Il est 9h30 quand nous arrivons sur la zone de pêche. Et nous ne sommes pas les seuls. Une quinzaine de bateaux se postent à nos côtés. « Il y a une trentaine d’années, nous étions une centaine », commente Serge le Franc. Depuis 7 ans, des mesures de gestion de pêche ont été mises en place pour préserver la ressource, tendre vers une pratique responsable. Des mesures renforcées ces dernières années. La pratique est, en effet, confrontée à la forte prédation des poulpes ou des étoiles de mer. Les prospections réalisées avant la campagne font état d’une forte baisse de la biomasse des coquilles Saint-Jacques. Le comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins du Morbihan maintient donc cette année des mesures strictes : ouverture progressive des gisements (baie de Quiberon, coureaux de Belle-Ile et reste de la baie de Quiberon), nombre de jours et temps de pêche limités, délivrance de moins de licences (20 contre 34 l’année dernière). Malgré tout, certains secteurs semblent préservés. « Nous nous sommes rendus compte que les poulpes n’aiment pas la vase, me confie Serge le Franc. Dans les secteurs de Belle-Ile il y a des petits sanctuaires où la vie reste abondante. »

 

Deux heures de pêche pas une minute de plus

 

Un peu avant 10h, le Sémaphore de Quiberon livre un bulletin météo et annonce l’ouverture prochaine de la pêche. Les dragues (sorte de grosses poches métalliques équipées de râteaux) sont à l’eau. Vincent est sur le pont, Serge le Franc à la barre. L’adrénaline monte à bord.

Le top départ est lancé. Le Cassiopée s’élance pour un premier trait. Au bout de 8 min, il faut relever les dragues. Coquilles et étoiles jonchent le pont du bateau. Et c’est reparti… comme ça pendant deux heures. Peu à peu le sol est recouvert, la pêche semble bonne. De mon côté, je m’accroche comme je peux, pour regarder l’horizon pour ne pas être malade. Je passe du rose au blanc… C’est raté pour cette fois. On me taquine, mais la concentration reste maximale pour les marins.

Attention aux faux pas. Un peu avant la fin de la campagne, le patron laisse traîner la drague 10 min… 2 min de trop… La poche est trop chargée, il faut laisser une partie à l’eau. 2 min, un rien sur la montre, mais la perte est là. Malgré tout, l’équipage semble content. Serge le Franc décide d’ailleurs d’arrêter la collecte avant l’annonce de la fin. « Le bateau est plein, il faut être sérieux. »

Midi. Le sémaphore de Quiberon annonce la fin de la pêche. Une pratique minutée et surveillée. Un garde, payé par la profession, est sur zone pour faire respecter les temps et zones de pêche.

Pour l’équipage du Cassiopée, une autre étape débute : le tri. Il faudra plusieurs heures aux deux hommes pour mettre les coquilles en caisse et nettoyer le pont. Mais pas de fatigue sur les visages. « Nous aimons notre métier », me redit tout sourire Serge le Franc. Au-delà de la pratique, complexe, très surveillée, de cette course contre la montre, pour ramasser les coquilles, je retiens deux choses de cette journée : la passion et la transmission d’un savoir-faire. Ah ! Et aussi que, définitivement, je n’ai pas le pied marin. 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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