L’Irlande, 4.7 millions d’habitants, a donc décidé, ce 25 mai, à plus de 66 % de voix et un taux de participation d’autant, d’en terminer avec une législation parmi les plus sévères d’Europe, en abrogeant le 8e amendement de sa constitution. Depuis 1983, il interdisait tout avortement, y compris en cas de grave malformation du fœtus, d’inceste, de viol, sauf en cas « de risque substantiel pour sa vie ». La peine encourue était la perpétuité jusqu’en 2013 puis ramenée à 14 ans. Trois réflexions.
Tout d’abord la législation criminalisant l’IVG mettait en danger les femmes. Deux faits seulement, parmi bien d’autres : en 1992, un tribunal interdit à une adolescente de 14 ans violée et enceinte d’aller avorter en Angleterre. La Cour suprême l’y autorisera, se justifiant par un « risque réel et substantiel » pour la vie de la mère qui menaçait de se tuer. En 2012, Savita Halappanavar meurt à 31 ans d’une septicémie fulgurante après s’être vue refuser une IVG, en dépit d’une rupture précoce de la membrane. Drame scandaleux qui relança le débat dans le pays. Sans oublier qu’on estime que depuis 1983 près de 200.00 femmes sont allées avorter à l’étranger. Des milliers ont aussi acheté, à leurs risques et périls, des pilules abortives sur internet, malgré leur caractère illicite. Ainsi, si le pays interdisait lourdement l’avortement, celui-ci, comme tragiquement en tant de pays du monde, avait bien lieu, souvent en dehors des protections sanitaires élémentaires, spécialement pour les plus pauvres des femmes.
Ensuite, ce scrutin marque une rupture forte avec l’Église catholique, dont pourtant 80 % continuent de se réclamer. Évolutions des mœurs sans doute, puisqu’en 2015 le pays a aussi adopté le mariage homosexuel. Mais surtout, l'Église a été profondément secouée par des scandales de pédophilie. En 2009, 2 rapports révélaient plus de 2 000 enfants placés dans des institutions catholiques déclaraient avoir subi des abus physiques ou sexuels, notamment de la part de prêtres. Quatre archevêques successifs de Dublin étaient accusés d'avoir caché des abus sexuels entraînant des démissions. C’est donc bien aussi son propre péché qui est si douloureusement la cause de sa déconsidération. C’est même de la colère que nombre d’Irlandais – et Irlandaises, éprouvent, trouvant de plus l’Egise sans compassion.
Et enfin, et peut-être est-ce la leçon la plus importante de ce scrutin, un vote réfléchi et libre, effectué en conscience, mérite le respect, par-delà les options de chacun. Maintenant tout reste à faire, afin que demain le soin de la vie des femmes se conjugue mieux qu’ailleurs – dont la France – avec le respect des enfants à naître. Là sera la vraie sagesse des Irlandais.
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