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RCF Les vœux de l'évêque de Blois
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Les vœux de l'évêque de Blois

Un article rédigé par Jean-Pierre Batut, évêque de Blois - RCF Loir-et-Cher,  -  Modifié le 23 décembre 2017
chaque année le Pasteur de l'Église catholique de Loir-et-Cher prononce ses vœux aux habitants du diocèse. Votre radio publie ici l'intégralité du discours de Monseigneur Jean-Pierre Batut.
RCF 2017 - Alberto Rodrigez Perez RCF 2017 - Alberto Rodrigez Perez

Chers frères et sœurs, chers amis,
 
Soyez remerciés d’être présents si nombreux à ces vœux diocésains, les troisièmes depuis mon arrivée à Blois. Leur date traditionnellement précoce permet d’en faire aussi bien des vœux de Noël que de Nouvel An. L’an passé, dans son message de Noël, le Pape François soulignait la proximité de Dieu : un Dieu qui s’est fait à ce point proche, à ce point Dieu-avec-nous, qu’il nous faut nous-mêmes nous incliner, nous abaisser, nous faire petits pour l’apercevoir. Le Très-Haut est en même temps le Très-Bas, pour reprendre le titre d’un livre célèbre sur saint François d’Assise, l’inventeur de la crèche de Noël. Si l’humanité entière est convoquée autour de la crèche, c’est pour voir un Dieu qui s’abaisse ; et pour que, l’ayant vu dans la crèche, nous apprenions à le voir non pas dans ceux dont la puissance et le prestige nous impressionnent, mais dans les plus petits et les plus humiliés. Si nous passons à côté d’eux sans les voir, cela veut donc dire que nous n’avons pas vraiment regardé la crèche. Mais si au contraire nous les voyons, cela veut dire que nous avons compris que le regard sur la crèche ne s’arrête pas à la crèche, mais nous tourne vers la présence cachée du Christ dans ceux et celles qu’il est venu rejoindre et auxquels il a voulu s’identifier.
Pour voir vraiment, il faut d’abord apprendre à s’arrêter. Et c’est bien la première vertu de chaque fin d’année : nous obliger à nous arrêter. Il nous appartient que ce ne soit pas seulement pour ce qu’il est convenu d’appeler la « trêve des confiseurs », même s’il est bien que les confiseurs puissent faire de meilleures affaires pendant cette période.
 
L’année qui s’achève a été une année extrêmement complexe et imprévisible pour la France. Certains diront – et ils n’auront sans doute pas tort – que notre pays et nos institutions ne se sont finalement pas mal tirés d’une mauvaise passe, et même d’une impasse. Il reste que les grandes questions qui se posent à la société française demeurent toujours devant nous. Il serait fastidieux de les énumérer, mais il suffit de les évoquer pour se remettre devant l’évidence que la plupart du temps ces questions ont une envergure géopolitique qui nous dépasse et qu’elles sont très dépendantes les unes des autres. La question des migrations est dépendante de celle du développement et de la répartition des richesses, elle-même dépendante de la stabilité politique, laquelle dépend à son tour pour de trop nombreux pays du bon vouloir de grandes puissances, souvent plus préoccupées de leurs sources de matières premières et des parts de marché de leurs entreprises que d’une réflexion exigeante et désintéressée pour établir une paix durable. La question du terrorisme, qu’il s’agisse de la cybercriminalité ou du terrorisme qui s’attaque aux vies humaines, est à son tour mêlée inextricablement à toutes les questions que je viens de mentionner. Quant à la question écologique, de plus en plus oppressante, on découvre qu’elle dépend aussi très largement d’intérêts financiers ou de calculs politiques dont on se demande parfois s’ils ne préfèrent pas accélérer les catastrophes plutôt que de les prévenir.
 
La conséquence de la convergence de ces problèmes ou de ces dangers interdépendants peut être une impression d’impuissance et d’accablement (surtout dans notre pays dont on nous répète à l’envi qu’il détient le record mondial du pessimisme), avec comme corollaire l’impossibilité d’envisager nos lendemains : alors que le regard que nous portons sur le passé nous fait remonter des milliards d’années en arrière, jusqu’à nous ramener aux premiers moments de l’univers, un des paradoxes de notre époque est que notre regard sur l’avenir n’ose plus se risquer au-delà de quelques décennies, avec les deux ou trois degrés fatidiques d’augmentation de la température dont ces décennies portent la menace.
 
Une autre tentation peut être de se voiler la face, de se dire non concerné, aussi longtemps que les effets de ces dérèglements ne nous touchent pas directement. La parole qu’on attribue faussement à Louis XV « après nous le déluge » (et qui semble être de la Pompadour), cette parole a pu être définie par le philosophe allemand Peter Sloterdijk comme « la devise secrète des siècles à venir ». Parole terrible ! Selon l’Écriture, le Déluge est définitivement derrière nous ; mais dans les périodes incertaines de l’histoire, il se repositionne devant nous, et fait office de révélateur impitoyable sur nous-mêmes. À vrai dire, cela ne date pas d’hier. À la fin du chapitre 39 du livre d’Isaïe, le roi Ézéchias s’entend dire par le prophète : « Des jours viendront où tout ce qui est dans ton palais, tout ce qu’ont amassé tes pères jusqu’à ce jour, sera emporté à Babylone… Et parmi les fils issus de toi, de ceux que tu as engendrés, on en prendra pour être eunuques dans les palais du roi de Babylone. » Que répond alors Ézéchias à Isaïe ? Il lui répond : « c’est une bonne nouvelle que tu annonces ! » « Il pensait en effet, dit le texte non sans ironie : "[au moins] il y aura paix et sécurité ma vie durant !". » Après nous le déluge !
 
Ces différentes attitudes devant l’avenir, qu’elles soient de dénégation ou d’indifférence, de lâcheté ou de cynisme, sont toujours des attitudes de démission, individuelle ou collective. Démission de nos responsabilités et des tâches qui se présentent à nous, démission de nos solidarités, aussi bien horizontales (avec nos contemporains) que verticales (avec les générations passées et les générations futures). Ces démissions nous font oublier l’évidence que le présent est fait pour préparer l’avenir, et que les générations futures nous demanderont compte de l’usage que nous aurons fait de notre vie présente. Au chapitre 25 de saint Matthieu, c’est bien l’avenir qui, dans la personne du Christ, interroge le présent : « quand j’avais faim, m’as-tu donné à manger ? quand j’avais soif, m’as-tu donné à boire ? quand j’étais nu, est-ce que tu m’as habillé ? quand j’étais malade ou en prison, est-ce que tu m’as visité ? » L’enjeu n’est pas de chercher à échapper à ces questions en se disant que d’autres s’en préoccuperont à notre place, mais de se les entendre poser aujourd’hui.
 
Permettez-moi de remercier ici toutes les personnes qui, dans le diocèse de Blois (et plus largement dans le département de Loir et Cher), se laissent interpeller par ces questions. Notre Église diocésaine est heureuse des actions qui sont menées en son nom, de l’accueil des migrants à la pastorale de la santé en passant par les diverses formes d’aide aux plus démunis et par quantité d’initiatives qui sont autant de manières de vivre la diaconie, c’est-à-dire le service. Permettez-moi de mentionner aussi tout ce qui touche à l’éducation, et de rendre hommage au travail admirable qui se fait dans ce domaine, tout particulièrement dans les établissements scolaires qui relèvent de la responsabilité du diocèse, en veillant à ce que les jeunes qui leur sont confiés acquièrent bien sûr une culture et des compétences, mais aussi ne soient pas des héritiers sans testament et des atomes d’humanité sans relation. Car l’éducation, selon le mot d’Hannah Arendt, « est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité ».
 
L’ordination d’un prêtre à la fin du mois de juin et de trois nouveaux diacres permanents en novembre a été un signe fort non seulement du désir de vivre le service et d’en assumer la responsabilité, mais de la conscience qu’il ne se vit pas par intermittences, au gré de nos accès de générosité, mais dans l’engagement total de notre existence. Quel que soit notre état de vie, l’injonction de saint Jean (1 Jn 3, 18) vaut pour chacun de nous : « N’aimons pas en paroles et en discours, mais en actes et en vérité. » Il me semble que notre assemblée diocésaine du 30 septembre a manifesté clairement, non seulement que cette aspiration à aimer en actes et en vérité est bien présente dans toutes les générations, mais aussi qu’un service pastoral bien organisé et efficace ne suffit pas à la combler. Ce dont notre diocèse et notre monde ont besoin, c’est de ces « disciples missionnaires » dont parle le Pape François, pleinement disciples et authentiquement missionnaires. Ce dont nous avons besoin, sans tourner le dos à ce que nous faisons déjà mais aussi sans nous en contenter, c’est de vies qui manifestent que l’appel de Dieu les a transformées. En utilisant un terme un peu surprenant peut-être, je dirai que nos paroisses sont appelées à devenir des écosystèmes pastoraux.
Permettez-moi de m’arrêter pour conclure sur cette expression effectivement surprenante. À notre époque de prise de conscience écologique, tout le monde sait ce qu’est un « écosystème », cet ensemble très complexe d’interrelations entre des vivants. Et même si on ne sait pas exactement ce que c’est, on sait au moins qu’il est à la fois indispensable et fragile : si l’écosystème est mis à mal, tous les équilibres sont rompus.
De la même manière qu’il existe des écosystèmes dans la nature, il en existe aussi dans la société et dans l’Église. Dans leur fragilité même, ces écosystèmes sont indispensables pour que les communautés humaines ne soient pas un agrégat, mais un corps vivant. L’Église n’a certes pas vocation à être se constituer en micro-société, en groupe fermé sur lui-même ; mais elle manquerait à sa mission si elle renonçait à montrer, « en actes et en vérité », que les rapports humains gagnent à s’établir sur d’autres bases que les rivalités d’intérêt, ou même les compromis. Elle manquerait à sa mission si elle cessait de croire que la vie théologale peut et doit être source de relations nouvelles entre les personnes, et que la paternité de Dieu nous lie ensemble par une grâce et un devoir de fraternité.
C’est cette idée que j’ai cherché à traduire dans l’expression « pôles d’alliance » qui a eu depuis les honneurs d’internet : si vous tapez « pôles d’alliance », vous tomberez sur une invitation de RCF à vous inscrire gratuitement parmi ses abonnés (ce que je ne saurais trop vous recommander) ; et si vous tapez « écosystèmepastoral.org », vous tomberez pour le moment sur une simple ébauche de site avec l’invitation « contactez-nous », mais la suite  viendra sans doute rapidement.
En ce qui concerne le diocèse de Blois, la suite des pôles d’alliance est prévue sous la forme d’une lettre pastorale à paraître dès que l’évêque aura fini ses cartes de vœux, et une nouvelle assemblée diocésaine est prévue pour la Pentecôte sur le site de la basilique de la Trinité. Vous y êtes très chaleureusement conviés.
Je conclus en vous redisant tous mes vœux pour cette fête de Noël et pour l’année qui vient, et si vous voulez être les premiers informés sur l’actualité du diocèse, je me permets de vous recommander, en plus de l’écoute de RCF Loir et Cher, la lecture de la revue La Vie diocésaine : Arlette Lerouge se tient à votre disposition pour vous donner à ce sujet toutes les informations souhaitables.
Encore une fois tous  mes vœux et ceux du diocèse de Blois, et que l’année à venir soit propice aux messagers de fraternité et aux bâtisseurs de paix.

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