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"Les terrains de guerre sont entrés dans mon cabinet"

Un article rédigé par Etienne Pépin - RCF,  - Modifié le 4 janvier 2019
Soigner des migrants abimés par un parcours épuisant est digne de la médecine humanitaire. Témoignage du docteur Brigitte Tregouet.
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2.262 migrants sont morts en tentant de traverser la Méditerranée en 2018… C’est moins qu’en 2017 où ils étaient plus de 3.000 à avoir péri selon les chiffres publiés par le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés. Du côté des arrivées, au total, 121.755 migrants sont arrivés en Europe l'an dernier, un chiffre en baisse là encore par rapport à 2017. Et c’est beaucoup moins que l’année 2015 avec un "pic" de 1 million d'arrivées au cœur de la crise des réfugiés.

La France fait partie des principaux pays à accueillir ces réfugiés, en Europe. Sur place, les associations se mobilisent pour leur venir en aide, mais également certains particuliers. A l’image du docteur Brigitte Tregouet. Elle est médecin généraliste à la Roche-sur-Yon en Vendée. Depuis quelques années, elle a adapté son activité professionnelle aux migrants.

Elle organise ainsi des consultations avec des interprètes. Au point de devenir une vraie spécialiste en la matière, et d’enseigner cette approche transculturelle de la médecine à l’Université de Nantes. En Vendée pourtant, les migrants sont peu nombreux, en comparaison de Paris et des grandes métropoles.
 

"Le soin aux migrants est un soin difficile"

Le docteur Tregouet explique être arrivée aux soins aux migrants car elle soignait des personnes à la rue. "J’intervenais dans un foyer pour SDF. Quand les migrants sont arrivés en Vendée, ils se sont tournés  vers ces structures-là et je les ai rencontrés. C’est par la pauvreté simplement que je les ai rencontrés. On croit souvent que la migration est dans les grandes métropoles, mais pas du tout" explique le médecin.

Soigner un migrant, c’est soigner un malade classique. Pourtant, plusieurs choses changent. "La langue complique énormément le soin et crée beaucoup d’angoisse chez le patient. La deuxième chose, c’est que les pathologies sont parfois différentes. On va trouver plus de maladies sexuellement transmissibles et de handicaps chez les enfants. La troisième chose, c’est la conception du soin. Être soigné dans un rituel qui n’est pas le nôtre est toujours un peu compliqué" ajoute-t-elle.

Une véritable médecine dite transculturelle. "La transculturalité c’est quand le médecin et le soignant ne sont pas issus de la même culture. Il y a une méfiance, il faut du temps pour tisser une alliance. Le soin aux migrants est un soin difficile car il faut une confiance" lance encore le docteur Tregouet qui précise que le bouche-à-oreille fonctionne entre les migrants qui viennent la voir.
 

"L'interpète va donner des clés culturelles"

Une sorte de médecine humanitaire, pratiquée au sein même de l’Hexagone. "Quand j’étais étudiante, on admirait les Médecins du Monde. Je ne me sentais pas fait pour aller sur les terrains de guerre, j’ai une famille. Mais finalement ce sont les terrains de guerre qui sont venus jusque dans mon cabinet. C’est assez étrange que cet imaginaire du French Doctor s’accomplisse d’une manière toute autre. C’est un soin qui a beaucoup de sens" confie-t-elle.

Pour soigner ces personnes, Brigitte Tregouet a dû adapter ses techniques, et passer la barrière de la langue. "J’ai embauché une étudiante deux heures par semaine pour traduire en Russe et en Arménien. Elle était salariée du cabinet. J’ai appris quelques mots de russe par la suite, pour mettre les gens à l’aise. J’ai aussi essayé d’apprendre le somalien, mais j’ai laissé tomber. L’interprète va aussi nous donner des clés culturelles" lance également le docteur.

"Ce sont des relations d’une grande qualité. Je suis couverte de cadeaux. Ils ont besoin de dire merci. Ce sont des relations d’une intensité humaine assez exceptionnelle. C’est très saisissant, et très touchant" conclut le docteur Brigitte Tregouet.
 

Le docteur Brigitte Tregouet, médecin généraliste en Vendée:


 

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