"Ma fille voulait inviter Pepper à son anniversaire". C’est sous ce titre que Marie-Laure donne son témoignage dans le quotidien La Croix. Sa fille, Suzanne, est une jeune femme handicapée mentale de 29 ans. Pepper est un robot rencontré dans un salon consacré aux nouvelles technologies.
"Suzanne ne communique que par signes" explique-t-elle. "Depuis qu’elle est toute petite, elle a un très fort besoin d’interaction avec les autres". Le problème, c’est que du fait de ses difficultés de communication, personne ne s’adresse à elle. "Ça prend du temps de communiquer avec elle" dit-elle. "Et comme elle ne fait pas d’histoires, on finit par la laisser dans son coin, et l’oublier. Pour ma fille, cette situation est terrible à vivre". Et ce jour-là, dans ce salon, voilà que Pepper, robot capable d’identifier les émotions humaines, s’adresse à Suzanne.
"Suzanne a vraiment eu l’impression que ce robot s’intéressait à elle" explique la maman. "Alors elle s’est mise à lui parler avec des gestes, et à la fin, elle lui a dit qu’elle l’invitait à son anniversaire". Une fausse belle histoire qui a fait douloureusement pleurer Marie-Laure : "voir ainsi sa fille murée dans sa souffrance se libérer parce que" dit-elle, "elle a eu le sentiment qu’aux yeux de ce robot, elle était une personne qui valait la peine qu’on prenne le temps de lui parler. Tout ce que les humains ne prennent plus le temps de faire".
Et Marie-Laure de conclure : "Faut-il accepter l’idée que demain, ce seront des robots qui iront parler avec ceux qui n’arrivent plus à le faire ?". On devine que la tentation sera d’autant plus grande que ces robots seront infiniment moins coûteux que le personnel humain. Comme dit Dominique Quinio toujours dans La Croix, "s’il y a intelligence artificielle, il ne peut y avoir de relation artificielle, d’amitié ou d’amour artificiel, de compassion artificielle".
Vous avez raison, c’est inéluctable, et les robots pénètrent de plus en plus dans les établissements pour personnes âgées ou handicapées. Ne rejetons pas cette réalité. Ils peuvent remplir des fonctions véritablement utiles et décharger le personnel.
Mais ne leur donnons pas d’apparence humaine pour éviter toute confusion, pas de fausse émotion humaine. Et surtout, profitons du temps qu’ils libèrent pour assurer plus de présence aux personnes vulnérables. Les personnels soignants sont tellement débordés qu’ils souffrent de ne pouvoir prendre ce temps de la relation gratuite. Et puis, si on veut que toutes les Suzanne du monde aient de vrais invités à leur anniversaire, c’est à chacun de nous d’entrer en relation avec elles. Il est surtout là le défi du futur. Il n’appartient pas aux robots !
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