Voilà un mot formidable que Laurence nous fait aimer chaque semaine, un mot qui résonne à la façon de mots comme lexicologue, journaliste, linguiste, géographe, c’est-à-dire comme un mot épicène, entendons qui est aussi bien féminin que masculin : on dit en effet une ou un philosophe, une ou un lexicologue, une ou un géographe. Alors qu’on dit un historien ou une historienne... C’est un des premiers aspects du mot « philosophe ». Sa forme ne varie pas selon le genre.
Eh bien je vais essayer. Une autre facette est sa nature grammaticale de mot composé savant, c’est-à-dire en associant une ou plusieurs racines latines ou grecques dont le sens est connu de longue date, appartenant à cette liste instaurée au fil des siècles, liste de racines grecques et latines auxquelles on a souvent recours pour inventer des mots souvent savants. Par exemple avec la racine phile, signifiant « qui aime ». Au passage, on dit parfois que ce sont des préfixes, c’est une erreur, c’est un radical.
On trouve d’ailleurs phile au début ou à la fin d’un mot. Je suis philosophe - on reviendra sur la racine soph, sagesse - mais je peux être anglophile, je suis philanthrope et hellénophile, aimer la Grèce, philologue et cinéphile. Et comme la racine phile a un son contraire, phobe, qui déteste, je peux être francophile ou francophobe. Et inventer des mots à foison, rapophile, aimer le rap, ou non : rapophobe. Et construit avec la racine soph, la sagesse en grec, le mot philosophe, se comprend parfaitement.
Mais de fait, le radical soph a été assez malmené. Les sophistes par exemple furent chez les Grecs, les maîtres de philosophie, d’abord la sagesse, mais ils se sont dévoyés et en allant de ville, ils ont finalement enseigné l’art de parler en public, et en définitive l’art de l’emporter par de faux raisonnements, ce qui n’est pas très honorable.
Et en fin de mot, soph a aussi donné l’ariosophie, le mysticisme nazi, philosophie dévoyée sur le culte des Aryiens, à oublier. Reste la gymnosophie, concernant les philosophes ascétiques de l’Inde, se dénudant de tout, gymno signifiant « nu ». En définitive, je retiens un fait il n’y a pas de mot pour détester la philosophie, on peut certes l’inventer, le sophophobe, mais sa prononciation même est ridicule ! La langue est bien faite finalement !
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