"Les choses humaines" de Karine Tuil : un roman grinçant et tragique
Christophe Henning, chaque jeudi, on parle littérature dans la Matinale et vous nous présenter « Les choses humaines », de Karine Tuil, publié chez Gallimard.
Jusqu’à samedi dernier, le roman de Karine Tuil faisait partie des livres sélectionnés pour le Goncourt 2019. Il en reste quatre dans le dernier carré, Olivier Rolin et son « Extérieur monde », deux autres écrivains que je vous ai présenté à ce même micro il y a quelques semaines, Jean-Luc Coatalem avec « La Part du fils » et Jean-Paul Dubois pour « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon », sans oublier Amélie Nothomb que j’avais reçu Au pied de la lettre pour « Soif » en septembre… Qui remportera le gros lot ? Rendez-vous la semaine prochaine.
En attendant, je ne voulais pas laisser tomber dans l’oubli Karine Tuil et son roman grinçant, tragique. Au risque de la caricature, elle dépeint la famille Farel sans histoire en apparence, qui concentre les crises et les failles de notre époque. Jaloux de sa réussite, le père Jean est un journaliste à succès qui ne veut pas décrocher du petit écran ; sa femme Claire est une intellectuelle, plus jeune, féministe, au-dessus de la mêlée, qui vit un autre amour, et leur fils Alexandre, sans grande envergure, par qui le malheur va arriver…
Qu’est-ce qui se passe ? Vous n’en dites pas assez…
C’est par la faute du fils de bonne famille que tout s’effondre : accusé de viol, Alexandre voit ses parents prêts à tout pour leur progéniture. Eux qui ont toujours aimé la lumière louvoient pour éviter les coups : « Le monde est injuste et brutal, et oui, moi, je suis prêt à faire des choses inacceptables pour protéger ma famille », lance le chevalier blanc de l’actualité frappé au cœur. Les réseaux sociaux, l’impact des médias, la pression du milieu va mettre à terre la famille Farel. Mais c’est aussi cette société de l’argent, du sexe, du désordre qui est pointée sans pitié, entraînant la violence physique, psychique, qui marque parfois la société d’aujourd’hui. C’est rude, décrit sans fard ni hésitation : la plume de Karine Tuil ne faiblit pas devant les errements de ses personnages. C’est la réalité crue d’un monde qui bascule, dont il ne faut pas détourner le regard.
Un roman difficile, mais qui décrit bien l’air du temps…
La justice impudique déballe toute l’histoire, révèle la rudesse des faits, la banalité affligeante des personnages, la fragilité du témoignage. Parce qu’ils ont accumulé trop de petits drames, victimes d’indifférence, de blessures, de secrets trop lourds, les personnages ont perdu le sens des réalités qu’explore l’auteur. C’est éprouvant, mais la littérature peut nous aider à comprendre l’emballement de ces personnes qui se croient intouchables, de ces êtes qui basculent, un jour, dans la violence. L’incompréhension s’immisce dans les relations humaines, et l’aveuglement ruine des vies en quelques minutes… On pourrait être affligé par tant de gâchis : on sort de ce roman en se disant qu’il ne faut pas se fier aux apparences : les choses humaines sont toujours plus complexes.
Et ce soir, Christophe, qui est invité dans votre émission Au pied de la lettre ?
Ce soir, je reçois Sylvestre Sbille pour J’écris ton nom paru chez Belfond et Laurent Sagalovitsch pour Le temps des orphelins paru chez Buchet-Chastel. Deux romans qui racontent l’horreur de la shoah. On se retrouve à 21 heures
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