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L'Eglise, un lobby comme les autres ?

RCF,  - Modifié le 19 mars 2018
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En décembre 2016, la loi dite « Sapin 2 » a cherché à mieux encadrer le lobbying. Cette loi a notamment créé un « registre des représentants d’intérêts », et obligé les organisations à but cultuel, autrement dit les religions, à y figurer.

Mais… l’Eglise catholique est-elle un lobby comme les autres ? Posée de la sorte, on comprend que la question ait pu irriter. L’abbé Grosjean s’est ému à bon droit que l’on mette « l’Eglise et les marchands de tabac au même niveau »[1]. La conférence des évêques de France s’est inquiétée, elle, que l’on considère l’Eglise catholique comme défendant des intérêts particuliers, alors qu’elle cherche à promouvoir le bien commun. Enfin, l’obligation de figurer sur ce registre a pu être lue, par certains, comme une nouvelle manifestation d’une laïcité méfiante, voire hostile aux religions.

On peut comprendre ces craintes, et le président Macron, soucieux de soigner sa relation avec les responsables religieux, s’apprête à accéder à leur demande en retirant les associations cultuelles du registre des lobbies[2]. L’abrogation de l’article de loi contesté (l’article 38) sera proposée demain au Sénat. J’aurais pu conclure ma chronique sur ce qui peut ressembler à un épilogue heureux. Mais doit-on vraiment s’en réjouir ? Je n’en suis pas si sûr.

Les craintes exprimées me semblent exagérées. La mesure contestée n’est pas le fait d’affreux gauchistes qui voudraient la peau des religions. Le fer de lance en est l’association Transparency international[3], où les chrétiens sont loin d’être absents ! Le mot « lobbying » est certes connoté négativement en français - d’ailleurs, chez les ONG, on parle de « plaidoyer » - mais ce n’est pas celui retenu dans la loi, qui parle de « groupes d’intérêt ». L’Eglise ne saurait évidemment être résumée à un groupe d’intérêt, et peut-être d’autres mots sont-ils à inventer. Mais qui peut nier que l’Eglise est porteuse d’une vision et qu’elle exerce, de fait, une influence sur certains enjeux du débat public ?

Et la démarche n’est pas infâmante, bien au contraire : d’ailleurs, les évêques admettent volontiers chercher à renouer le dialogue avec une classe politique fortement renouvelée depuis un an : c’est dans cet esprit qu’ils organisent une rencontre avec le président Macron, le 9 avril prochain au collège des Bernardins[4].

L’Eglise agit certes au nom du bien commun, et elle a raison de le rappeler, car le bien commun « joue un rôle central et unificateur dans l’éthique sociale »[5] chrétienne. Mais bien des associations ne s’en réclament-elles pas, elles aussi ? Faudrait-il ôter du registre toutes celles « reconnues d’intérêt général » ? L’exercice perdrait alors tout son sens.Pour se faire une idée juste de la pertinence de ce registre, il faut revenir, je crois, sur son ambition. Il s’inscrit dans une loi pour la transparence de la vie publique, et il vise à faire la lumière sur le processus d’écriture des lois. L’objectif ? Répondre à la méfiance des citoyens envers les politiques. Répondre à ce sentiment que les dés sont pipés, que le débat est confisqué par d’obscurs intérêts. Cette défiance est aujourd’hui un poison pour notre démocratie. L’enjeu, rétablir la confiance des citoyens envers leurs institutions, n’est-il pas si important, y compris pour l’Eglise, qu’il vaille de jouer le jeu de la transparence ?

[1] Cf. https://www.famillechretienne.fr/politique-societe/politique/l-eglise-bi...
[2] Cf. https://www.publicsenat.fr/article/societe/le-gouvernement-veut-exclure-...
[3] https://transparency-france.org/actu/transparence-lobbying-transparency-...
[4] Cf. http://www.lavie.fr/debats/chretiensendebats/macron-aux-bernardins-l-egl...
[5] Laudato Si’, parag. 156. http://www.doctrine-sociale-catholique.fr/7567-laudato-si#p156

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