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Le tableau
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Le tableau

Un article rédigé par David Groison - RCF,  -  Modifié le 20 novembre 2020
David Groison revient sur une photo qui illustre l'évacuation d'un camp de 3.000 réfugiés installés à Saint-Denis.
Corentin Fohlen Corentin Fohlen

C’est une image que le photographe Corentin Fohlen a partagé dès mardi après-midi sur son compte Instagram. Et il a raconté à côté : "Ce matin j'ai couvert l'évacuation du camp informel de réfugiés installé à Saint-Denis, à côté du Stade de France. Entre 2000 et 3000 migrants y vivaient et sont montés durant la matinée dans des bus affrétés par la préfecture, pour être pris en charge dans des centres d'accueil". Une légende très factuelle pour une photo très artistique. Un tableau.
 

Le premier élément qui nous frappe, c’est sa chromie : il y a comme des aplats de couleur, du bleu (beaucoup), du jaune, du rouge, et du blanc. On dirait presque un tableau de Marc Chagall. Puis quand nous commençons à regarder les détails, nous comprenons que nous sommes dans un campement de migrants. Au premier plan, un groupe d’hommes rassemblés autour d’un brasero. C’est le jaune et le rouge du feu, la lumière chaude qui rassure, qui réconforte. Ces hommes sont penchés, des masques sur la bouche, ils entourent un petit feu. Un ilot de douceur.

Derrière eux, au second plan, des tentes à profusion parmi lesquelles des hommes se tiennent debout. Là, tout est bleu, noir. Le pilier du pont, les hommes, les tentes. La couleur est froide, sans doute artificielle. Elle glace. Et puis le blanc de la fumée, de la brume du petit matin, qui nappe le haut de l’image. Cela donne de l’épaisseur à la lumière. Mais une fois passé l’émerveillement devant la composition, la beauté de la scène, on réagit. Nous ne sommes pas devant un tableau. Nous faisons face à la réalité. Et le nombre de tentes nous fait froid dans le dos, la précarité de ces hommes nous saisit.

L’image est coupée en deux. En bas, les hommes dans leur campement de fortune, et en haut, la fumée blanche et lumineuse. Pour revenir à mes histoires de tableau, cela rappelle les représentations religieuses du XVIIème siècle, le paradis céleste surplombant l’enfer sous terre… La référence est là. Et puis il y a aussi un énorme pont, qui traverse l’image en profondeur, qui donne l’impression d’une route infinie. C’est sans doute là aussi, une allégorie de celle que ces hommes ont dû parcourir pour arriver jusqu’ici.

La préfecture de police a fait déplacer ces 2400 migrants dont une centaine de familles mardi. Certains ont pu trouver des places en centres d’accueil, dans des gymnases… Des hébergements temporaires mettront à l’abri une partie d’entre eux. Les autres partiront se trouver un autre campement… L’occasion malheureusement de faire d’autres photos. Comme l’ajoute le photographe Corentin Fohlen dans sa légende : "Une évacuation de plus pour une situation qui continuera de durer encore longtemps, tant que la misère et la guerre continueront de faire fuir les populations sinistrées, et tant qu’une solution plus humaine pour les réfugiés ne sera pas proposée".
 

 

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