En février 2018, ce sont 325 athlètes russes qui vont être privés de jeux sous leur drapeau à Pyeongchang (Corée du Sud). La sanction est tombée mardi soir alors que le comité international olympique (CIO) a interdit à la Russie d’être représentée officiellement en raison d’une "systématisation de dopage". "C’est une décision grave et historique car c’est la première fois que le CIO bannit un pays entier de la plus grande compétition sportive du monde", analyse Pierre Rondeau, économiste du sport. L’occasion de faire le point sur le système de lutte antidopage .
"Les Russes ont toujours pratiqué le dopage, affirme Pierre Rondeau. "Pendant la guerre froide et après, il fallait que la Russie retrouve sa puissance et brille dans le monde à travers le soft power qu’est le sport. Il y a donc une tradition de tricherie et de dopage."
Pour ce spécialiste de l’économie sportive, "le CIO a le courage de prendre une décision forte qui est un signal envers l’Agence Mondiale Antidopage (AMA)."
Actuellement, chaque Etat participant aux Jeux Olympiques possède son agence de lutte antidopage et de dépistage de fraude. Tous les trois ans, ces centres contrôlent que leurs athlètes se préparent dans des conditions légales entre chaque compétition.
Une procédure que Pierre Rondeau estime "un peu hypocrite, mal faite et non réfléchie" puisque le contrôle dépend de la bonne volonté de l’Etat qui ne constitue pas en soi une entité impartiale. "Il faudrait remettre à plat le système anti dopage."
Jusqu’ici, la lutte antidopage s’adaptait aux tricheries existantes, ce qui faisait selon Pierre Rondeau que "les tricheurs ont toujours un train d’avance sur les dépistages". Il prend le cas du dopage sanguin difficilement détectable à cause du passeport biologique modifiable par des transfusions sanguines. "Il faudrait faire des recherches scientifiques et investir dans ces recherches", martèle l'économiste qui ajoute qu'au niveau économique, "ce domaine pourrait rapporter des gains".
En outre, Pierre Rondeau juge que les sanctions en rigueur à l'encontre des athlètes dopés ne sont pas suffisantes. Pour l’instant, ils bénéficient d'un système de suspension temporaire pouvant varier entre 2 et 5 ans, soit le risque de leur laisser du temps de s'entraîner sous produits dopants pour les prochains jeux et ce, sans contrôle puisqu'ils sont officiellement hors-jeux.
C'est le cas du champion d'athlétisme américain Justin Gatlin, exclu des JO de Pékin en 2008 pour dopage, qui effectue de meilleures performances aux JO de Londres cinq ans plus tard."A mon sens, il faut sanctionner à vie " demande Pierre Rondeau. L'économiste s'oppose par ailleurs à la légalisation du dopage prônée par certains confrères. Il considère en effet cette pratique de "profondément inégalitaire: tout le monde n’a pas les moyens de se doper."
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