Le puzzle constitutionnel
La spirale engagée se déploie jour après jour… Dernier chantier en date : celui des institutions. Depuis Matignon, Edouard Philippe consulte tous azimuts dans la perspective d’une réforme de la Constitution.
L’exécutif a placé la barre assez haut, déchainant les critiques aussi bien de son opposition que de certains de ses soutiens et celle d’éminents constitutionnalistes souvent rétifs au changement. Mais le chantier s’ouvre dans un climat favorable. Les Français pensent que le chef de l’Etat peut légitimement vouloir rendre plus efficace et plus rapide le travail parlementaire, limiter les cumuls de mandats dans le temps, voire réduire le nombre de parlementaires.
Dans la boite de Pandore de cette réforme, on trouve à l’état d’esquisse à peu près tout : la limitation du droit d’amendement en fonction de l’importance du groupe, la réduction d’un tiers du nombre des parlementaires, l’introduction d’une part de proportionnelle, la limitation des mandats et d’autres sujets plus consensuels comme la suppression de la Cour de justice de la République ou la réforme du conseil supérieur de la magistrature, celle du conseil économique social et environnemental, l’élargissement du droit d’expérimentation pour les collectivités locales ou une mention de la Corse dans la Constitution, petite concession aux nationalistes insulaires.
Tous ces sujets n’ont pas la même importance et ne suscitent pas des oppositions de même nature. L’essentiel se joue autour des droits du Parlement et de l’idée qu’Emmanuel Macron se fait de sa place. Les députés et sénateurs ont le droit de s’interroger sur ce qui se prépare. Et sur la conception de l’efficacité du chef de l’Etat. Obnubilé par son objectif réformateur, Emmanuel Macron ne veut plus que l’action gouvernementale soit entravée par les guérillas parlementaires menées à coup d’amendements. Une sorte de retour d’expérience du temps où il était installé à Bercy. Le président de la République souhaite désormais que l’action gouvernementale gagne en efficacité. Et prétend faire de ceux qui résistent à ses projets, notamment au Sénat d’horribles conservateurs arrimés à leurs droits.
Cette résistance existe en effet. Avec de bons arguments et quelques autres qui le sont un peu moins comme pour le cumul des mandats… Sur le terrain proprement politicien, la majorité de droite au Sénat et son président Gérard Larcher ne voient d’ailleurs pas où serait leur intérêt d’offrir sur un plateau à Emmanuel Macron une modification de la Constitution. Pareil chantier est de tous temps l’ambition plus ou moins explicite des présidents de la République. Mais les sénateurs argumentent aussi sur le fond, défendant le droit d’amendement du Parlement, rappellent que la réduction du nombre de parlementaires si elle était appliquée dans toute sa rigueur pourrait priver certains départements d’élus au Sénat. Et surtout s’interrogent, y compris dans la majorité, sur cette recherche d’efficacité voulant calquer sur la logique de l’entreprise le fonctionnement des institutions.
La recherche du consensus, au cœur du débat démocratique, doit pouvoir prendre un peu de temps. Il n’est jamais bon de bâcler le débat. Devant la montée des controverses, tout le monde sera bien sûr amené à lâcher du lest. D’autant que la question posée sur la tactique du pouvoir n’est pas simple. Pour arriver à ses fins, l’exécutif devra utiliser toutes les ressources du droit. La révision de la loi constitutionnelle, il faut l’accord du Sénat quelle que soit la procédure utilisée (vote au Congrès et majorité des 3/5è ou référendum). Cette perspective s’éloigne...Afin d’avancer, le pouvoir devra donc ruser en saucissonnant son ambition, par un recours, quand ce sera possible, à une loi organique. Là, l’Assemblée nationale - où le chef de l’Etat dispose d’une majorité - aurait le dernier mot. Mais le débat se prolongera sans doute pour savoir si c’est correct. On entendra encore parler de la réforme des institutions.
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