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Le procès de France Télécom

Un article rédigé par Vincent de Féligonde - RCF,  - Modifié le 9 mai 2019
Le procès des anciens dirigeants de France Telecom a démarré lundi dernier devant le tribunal correctionnel de Paris. Les anciens dirigeants sont jugés "harcèlement moral".
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 Dix ans après la vague de suicides chez l’opérateur téléphonique public, les juges d'instruction ont retenu les cas de trente-neuf salariés: dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail. L'un des salariés, un technicien marseillais de 51 ans se suicidait en juillet 2009 après avoir mis en cause dans une lettre le "management par la terreur".

Qui sont les prévenus ?

Didier Lombard, qui a dirigé France Télécom de 2005 à 2010, est jugé aux côtés son ex-numéro 2, Louis-Pierre Wenes et de l'ex-directeur de ressources humaines Olivier Barberot. Quatre autres responsables sont jugés pour "complicité". Et l'entreprise, devenue Orange en 2013, y figure en tant que personne morale.

Tous comparaissent pour "harcèlement moral", défini dans le code pénal comme "des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail". Ils encourent un an d'emprisonnement. Ce procès sera en réalité celui du harcèlement moral institutionnel, différent des cas classiques où le lien est direct entre l'auteur présumé et sa victime.

Que s’est-il passé ?

Pour comprendre, il faut dérouler le fil de l’histoire de l’opérateur historique du téléphone. Pour faire oublier le fameux 22 à Asnières, le gouvernement a lancé dans les années 70 un gigantesque plan d’investissement aux PTT. Des milliers de techniciens ont été embauchés, fers de lance de la modernisation du pays.

Mais au tournant du millénaire, le secteur a vécu une révolution technique, avec le remplacement du téléphone fixe et du minitel par internet et les smartphones, et une révolution organisationnelle, avec l’ouverture à la concurrence. France Telecom, surendetté, a frôlé la faillite. Pour les dirigeants, l’équation était impossible à résoudre : il fallait transformer à toute vitesse en commerciaux des techniciens qu’il était impossible de licencier pour motifs économiques, en raison de leur statut de fonctionnaires, comme le reconnaissent les magistrats.
 

Pas simple…

Non. Les dirigeants ont lancé un plan visant à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l'objectif de 22.000 départs sur 120.000 salariés. Plus de 10.000 personnes devaient aussi changer de poste. En 2006, dans un discours devant les cadres, Didier Lombard donnait le ton: "Je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte".

Un discours qu’il assume encore aujourd’hui : "que les transformations imposées à l'entreprise n'aient pas été agréables, c'est comme ça, je n'y peux rien. Si je n'avais pas été là, ça aurait été pareil, peut-être même pire", a-t-il déclaré mardi au tribunal. Tout en faisant part du "profond chagrin qui demeure et demeurera à tout jamais" le sien, il n’a pas exprimé de regrets.

Pour les proches des victimes, ce discours passe évidemment mal…

Oui. D’autant que les faits qui sont reprochés aux anciens dirigeants sont accablants : la mise en place - je cite - "d’une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène" à coup de "mobilités géographiques forcées, réorganisations multiples et désordonnées, surcharge ou absence de travail et isolement des personnels"… Une "qualification hors norme, inédite", a déclaré la présidente du tribunal sur un ton particulièrement solennel.

Pour Marie Pezé, psychologue spécialisée dans la souffrance au travail, ces audiences, qui doivent durer jusqu’au 12 juillet, c’est le "procès du siècle". Caren arrière fond se posent de multiples questions, notamment celle de savoir si tout est-il permis au nom de la compétitivité. Ou encore : quel est le prix d’un être humain au travail ?
 
 

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