Parce qu’il m’est impossible de prononcer ces mots dans la langue barbare si chère à notre époque je dois vous l’énoncer par celle de Molière !
Le jour du gros matou, en langue de Shakespeare se dit par ces trois mots claquants et efficaces : Fat Cat Day !
Il s’agit du jour de l’année où la rémunération des cent patrons les mieux payés de la perfide Albion, dépasse le revenu moyen annuel. Et cette année, il a fallu attendre non pas un, non pas deux, mais trois jours pour y parvenir !
En trois jours, le 5 janvier dernier, ces gentlemen ont donc gagné chacun plus que 32.948 € qui correspondent à la somme du salaire moyen annuel.
La Grande-Bretagne est donc médaille de bronze, après les Etats-Unis et l’Inde sur le podium des écarts de revenus. Juste devant la France.
Les esprits chagrins rétorqueront qu’en disant cela on ne fait qu’alimenter la machine à dénigrer et cela, il est vrai, n’est pas bien. Mais on dit quand même autre chose. Ce chiffre, tout de même objectivement effarant, nous invite à réfléchir sur la notion de salaire juste.
Depuis St Thomas d’Aquin nous savons que le salaire reçu en échange d’un travail doit permettre à la famille de celui qui le reçoit de pouvoir vivre décemment, dignement.
La grande question du coup réside dans ce que recouvre l’adverbe « dignement ». Une fois qu’on y a inclus la nourriture, le toit, les soins, les vêtements, l’éducation, jusqu’où aller ? La culture, les loisirs, les voyages, les outils informatiques ? Il est toujours compliqué de réfléchir en termes de décence dans une société où précisément l’indécence est érigée en argument publicitaire.
On peut aussi se demander à quoi sert de gagner en trois jours ce qu’un homme normal gagne en un an. A quoi sert tout cet argent qu’une vie humaine ne parvient pas à dépenser ?
Le monde craque de partout : il faut d’abord s’en réjouir car la lumière ne passe que dans les interstices des fêlures. Ne craignons donc pas ces failles qui s’agrandissent car elles peuvent être pour nous tous une occasion formidable, en dévoilant le mal, de nous obliger collectivement à penser et agir différemment.
Et à nous comporter, nous qui sommes les 20% des habitants de cette terre à en consommer 80% des richesses, un peu moins comme des gros matous repus et paresseux. Et à être ces êtres ardents à faire le bien, guetteurs du « davantage » dont St Vincent de Paul fit jadis sa devise. Non pas « davantage » de biens accumulés dans nos greniers ou nos coffres, mais du « davantage » d’amour à donner aux autres.
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