Depuis le coup d'Etat raté du 15 juillet, et la vague de purges décidée par le président turc Recep Tayyip Erdogan qui en a découlé, les relations entre l'Europe et Ankara se sont envenimées. Des purges massives, qui ont touché l'armée turque, mais aussi l'éducation et les médias. Et qui dit dégradation de leurs relations, dit aussi mise en danger des accords passés entre les deux parties, notamment celui qui concerne les migrants.
D'autant que les responsables turcs qui étaient chargés de surveiller la mise en oeuvre de cet accord migratoire ont été renvoyés chez eux et n'ont pas été remplacés. Le nombre de personnes arrivant en Grèce par la mer Egée - mer qu'il faut traverser pour passer de la Turquie à la Grèce - a même augmenté depuis le début des purges.
L'accord turco-européen avait été mis en place le 18 mars dernier. Il prévoit qu'Ankara aide à juguler les flux de migrants en direction de l'UE (et notamment ceux qui traversent par bateau la mer Egée). En retour, l'Europe s'est engagée à accélérer les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, mais aussi à fournir des visas Schengen aux citoyens turcs avant la fin juin. Mais la tension des relations entre les deux parties ne risque pas de jouer en faveur de cet accord. D'autant qu'Ankara, ne voyant rien arriver, a déjà menacé l'UE de le rompre.
L'Europe est actuellement en train de se demander si la Turquie peut toujours être considéré comme un "pays tiers sûr". Un concept juridique, qui légitime le rejet des demandes d'asiles des réfugiés ayant transité par la Turquie et permet de les renvoyer dans le pays, comme l'accord le prévoit. Mais si le pays n'est plus considéré comme "sûr", surtout après les purges, l'accord ne pourra plus être appliqué.
Selon Shoshana Fine, docteure en science politique, spécialiste des questions migratoires, la Turquie est très loin d'être un pays sûr, que ce soit pour les réfugiés ou pour les turcs eux-mêmes. De plus, elle soutient que l'accord n'a, de toute façon, jamais été solide, car il ne respecte pas "les lois européennes". "La Turquie ne respecte pas les droits fondamentaux. La France ne peut donc pas renvoyer des migrants là-bas", soutient-elle.
Autre point qui cristallise les tensions: "l'UE exige que la Turquie modifie sa loi anti-terroriste, mais Erdogan refuse de le faire, ce qui fragilise encore davantage l'accord."
Shoshana Fine, docteure en science politique, spécialiste des questions migratoires:
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !