Au crépuscule de cette guerre, Bachar el-Assad est toujours au pouvoir en Syrie. En tant que diplomate, Michel Duclos a pu rencontrer le chef de l’Etat syrien à plusieurs reprises. "C’est un homme impitoyable. C’est un héritier. Il utilise pour combattre son peuple les recettes qu’il a acquises auprès de son père. Il est l’héritier d’une minorité, et ce pouvoir minoritaire ne croit qu’à la violence pour se maintenir. C’est aussi l’incarnation de la duplicité. Quand il parle à des étrangers, il s’exprime dans un anglais convenable, avec cette volonté de séduire. Mais il y a toujours un gouffre entre le visage qu’il offre et les actions qu’il mène" explique cet ancien ambassadeur de Damas, spécialiste du Proche et Moyen-Orient, auteur de "La longue nuit syrienne" (éd. de l’Observatoire).
Dans ce contexte, se pose la question de la place des chrétiens. "Les chrétiens ont toujours eu une place importante en Syrie, même avant l’arrivée des Assad au pouvoir. Il y a même eu un Premier ministre chrétien. A l’arrivée des Assad au pouvoir, le nombre de chrétiens a commencé à diminuer et leur place dans la vie publique est devenue de plus en plus restreinte. Mais c’est encore une fois toute la duplicité de Bachar el-Assad. Un chrétien qui s’oppose est tout aussi torturé, arrêté, tué, qu’un autre" ajoute le diplomate.
Pour Michel Duclos, "ce régime est prêt à faire reculer toutes les bornes de la violence et de l’inhumanité pour asseoir son règne. C’est un pouvoir dirigé par une police politique, une sorte de gestapo". Ce qui explique en partie la longévité du règne de Bachar el-Assad, et le fait qu’il soit encore au pouvoir aujourd’hui au sortir d’une guerre meurtrière. "Il ne faut pas non plus nier une capacité d’adaptation et d’évolution" du dirigeant syrien.
Au lendemain de cette guerre, le diplomate estime que Bachar el-Assad a remporté une "victoire politique terrible, qui est de restaurer le règne de la peur et de la terreur. Il n’y a plus d’opposition modérée, nationale. Il n’y a plus que les djihadistes qui lui font front. C’est ce qu’il voulait. En même temps, la guerre continue. Un tiers du territoire lui échappe. Les Turcs sont là, les Américains sont là. Les Iraniens et les Israéliens poursuivent le conflit à bas bruit. La guerre du régime contre la population est peut-être terminée. Le terrorisme existe toujours en germe. Et les grandes puissances continuent de se faire la guerre en Syrie".
Un tel tableau permet à Michel Duclos d’affirmer que la communauté internationale a manqué pas mal de rendez-vous dans ce conflit. "Le premier rendez-vous raté, c’est en 2012, quand on a laissé s’instaurer la politique de force du régime contre l’opposition.[…] Le deuxième mouvement de bascule, c’est en 2013. C’est là où l’opinion a commencé à voir cette lecture sunnite contre chiite. En n’intervenant pas, les Occidentaux ont achevé de convaincre les malheureux qui ont pris les armes qu’il n’y avait rien à attendre d’eux" lance l'ancien ambassadeur français à Damas.
De quoi porter un regard assez critique sur la diplomatie occidentale, et notamment celle de l’ONU. "Le système onusien est en crise depuis plusieurs années. Je mets en perspective ce qui se passe en Syrie avec ce que j’ai connu à New-York au moment du conflit irakien. C’est une prolongation de ce vaste désaccord entre les grandes puissances sur le principe du recours à la force" conclut Michel Duclos.
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